Je pleure souvent, avec l’impression que c’est tout le temps. Accoucher m’a transformée en Isabelle Boulay : je braille et je dis merci pendant des heures.
- J’ai pleuré avant, parce que je la voulais tant.
- Pleuré en l’attendant parce que c’était trop long.
- Pleuré en la mettant au monde parce que c’était trop. Trop vrai. Trop gros. Trop d’émotions. Surréel, mais trop réel.
- Pleuré en entendant son père me dire qu’elle avait tous ses orteils.
- J’ai ri quand je l’ai entendu pleurer. Elle était vraie, vivante et rose. Elle avait besoin de moi. Mes larmes ont coulé sur mon sourire.
Depuis, dans ma maison, on braille
On a pleuré de fatigue de dents qui poussent, d’inquiétude de plaques rouges dues à trop de tomates cerises, de peur quand j’ai entendu le boom de la chute en bas du lit. Mais la plupart du temps, on pleure de trop de beau. On pleure parce que ça va bien.
Comment faire autrement quand elle dit son premier mot ? C’était « papa », en pleine fête des Pères. Elle a le sens du timing, la petite. Quand elle donne des becs, ça vient aussi à grand coup de larmes, mais surtout de bave. En plus, elle les donne en anglais. « Give me a Kiss. » Pour moi qui ai téléphoné au 254-6011 à 25 ans, c’est bien impressionnant.
Je pleure quand je la vois tourner les pages de son livre toute seule. Quand elle lance la balle à son chien en applaudissant quand c’est réussi. Je verse des larmes, un vendredi soir d’hiver, quand le salon est rempli de jouets, la cuisine pas rangée, le linge pas lavé et que, nous, on choisit d’être couchés sur le plancher et de faire l’avion. Chaque fois, je me dis que je dois me rappeler de ce moment toujours toujours. Pis là, je pleure.
Le soir, avant que je m’endorme, je regarde des photos d’elle. Elle, qui est dans la chambre d’à coté, que j’ai vue toute la journée, t’sais. Je regarde des photos pis je me dis que ce n’est pas possible qu’elle soit hot comme ça. Et voilà que j’ai la vue embrouillée.
Des fois, c’est dans le noir de la nuit, quand je devrais la déposer dans son lit, mais que je préfère continuer de la bercer. J’ai souvent l’impression qu’à ce moment-là, c’est plutôt elle qui me berce et m’apaise.
Il y a les moments cachés aussi qui me font pleurer. Où je regarde sans qu’ils ne le sachent. Les rires entre mon homme et mon bébé : c’est ce que je préfère, rien de plus pur. Les scènes les plus vraies que j’ai vues de ma vie. Voir que j’ai fait le bon choix en faisant confiance à ce gars-là. Le voir bon, fort, aimant. Le voir avec des larmes qui roulent aussi sur ses joues parce que pour lui aussi, c’est trop de bonheur.
Notre regard mouillé se croise et du coup, on comprend tout. On comprend qu’on est chanceux, que ça peut partir d’un coup. Reste que cette fois-ci, ça dure et que tout ce qu’on a à faire c’est de danser sur Uptown Funk parce que c’est sa toune.
Je me demande quand même pourquoi je pleure autant. Peut-être que c’est parce que je n’ai pas assez pleuré quand ça allait vraiment mal et, qu’elle, elle est là pour faire sortir tout ça et me rendre enfin plus légère.
Bon, voilà que je pleure encore, de bonheur.
Pleurez-vous beaucoup depuis que vous êtes parents?