Je ne suis pas la blonde de mon père

Je suis une jeune maman à l’aube de la trentaine. Mon père est quant à lui âgé de 66 ans. Un bel homme en forme qui ne fait absolument pas son âge. Je suis enfant unique et j’ai la chance d’avoir une relation père-fille extraordinaire. Nous avons toujours aimé faire des sorties ensemble, mais il y a un bémol : le regard des gens.

Lorsque j’ai eu 20 ans, je me suis mise à constater que, lorsque nous étions au restaurant par exemple, les autres clients et même les serveurs nous regardaient différemment. Est-ce que cette fille est sa blonde? Est-ce qu’il est son sugar daddy? Qu’est-ce qu’un « vieux » fait avec une jeune femme comme elle?

Pour ajouter à l’ambiguïté, j’ai trois surnoms : bé’, p’tit bébé d’amour et ma p’tite chérie. Je sais, ça laisse une grande place à l’interprétation. De plus, mon visage n’étant pas un copié-collé de celui de mon père, les gens ne se disent pas d’emblée que je suis, sans l’ombre d’un doute, sa fille.

Depuis que je suis maman, c’est encore pire. Mon conjoint voyage régulièrement pour le travail et j’ai la chance d’avoir l’aide de mon père, maintenant retraité, lors de ses absences prolongées. Nous nous retrouvons donc fréquemment dans des endroits publics, les trois générations ensemble.

L’exemple le plus marquant s’est déroulé un midi dans un restaurant asiatique. Mon petit garçon avait tout juste trois mois. Pour me permettre de manger chaud, pour une rare fois, mon père s’est installé pour donner le biberon à son petit-fils. Derrière moi se trouvait un groupe de dames âgées. Se croyant probablement bien subtiles, elles ont murmuré sur notre compte, beaucoup trop fort, durant une bonne demi-heure.

Quand nous avons terminé notre repas, je me suis levée et l’une d’elle m’a dit que c’était dommage que mon bébé n’ait pas pleuré, car elle aurait bien voulu le bercer. Je lui ai gentiment expliqué que c’était pour cette raison que les bras de son papi étaient aussi réconfortants et que, grâce à lui, elles avaient pu avoir un bon diner tranquille, sans pleurs de bébé.

La voilà qui s’exclame haut et fort : « Bon! Je vous l’avais dit, les filles, que ça ne se pouvait pas que ce soit le père du bébé. Vous étiez totalement dans le champ! Ça veut peut-être dire qu’on a une chance avec lui, par exemple! Haha! » Je les ai regardées lentement, une par une, avec des couteaux dans les yeux et assez longtemps pour qu’elles sentent le besoin de s’excuser de leurs propos déplacés.

Ce qui me fâche dans tout ça ce n’est pas que les gens se questionnent parce que, pour dire vrai, je trouve que leur jugement est digne des Feux de l’Amour. Par contre, si l’homme à mes côtés était effectivement mon conjoint et que nous avions eu un enfant, pourquoi devrions-nous subir leur regard mesquin, empreint d’un air de dégoût face à la différence d’âge?
 
J’ai plusieurs amies et connaissances qui ont un grand écart d’âge avec leur amoureux. En quoi cela affecte-il ma vie ou la vôtre? RIEN! Alors si vous croisez un homme plus âgé avec une femme plus jeune et un enfant, souvenez-vous que ça peut très bien être un père et sa fille, des amoureux ou simplement deux personnes avec une relation filiale qui ne vous concernent en rien. Se faire regarder comme des spécimens, même lorsqu’on essaie de ne pas se laisser atteindre par les jugements, c’est drôlement exaspérant.

En attendant, je songe sérieusement à me promener avec un macaron portant l’inscription « Je ne suis pas la blonde de mon père ». Ça nous éviterait probablement bien du commérage inutile.

Quels sont vos trucs pour arriver à vous détacher lorsque le regard des autres se fait trop insistant?