La semaine dernière, j’étais assise dans la salle d’attente de la clinique externe de l’hôpital quand j’ai vu arriver cette jeune maman avec son magnifique petit bébé garçon. Petit bébé qui, de toute évidence, devait recevoir du gavage. J’ai reconnu le tube. Ma fille avait le même. C’est celui qui rendait évidente sa maladie aux yeux des autres. Outre le tube, j’ai aussi reconnu le regard de la dame assise tout près d’eux.
Ce regard qui veut savoir, qui veut connaître le MYSTÈRE qui se cache derrière cet étrangeté dans le visage de petit bébé. Puis, j’ai aussi reconnu la façon pas du tout subtile de la dame d’aborder cette maman dans le seul et unique but de savoir de quoi souffre cet enfant qu’elle ne connait visiblement pas.
Je me suis revue, quelques 12 ans auparavant, avec ma fille qui portait cette même différence. Je me suis revue répondre à toutes ces personnes qui, comme cette dame, voulaient savoir de quoi mon enfant était atteint. Je me suis réentendue répéter son histoire, notre histoire, 100 fois par jour à des étrangers qui, par soif de curiosité, m’amenait à répéter sans cesse que mon enfant allait mourir. Comme si j’avais besoin de ça.
J’ai vu des gens croiser le petit regard d’ange de Lydia, chuchoter et se retourner sur leurs pas pour venir me demander ce qu’elle avait, ma fille. Puis repartir rassasiés, fiers d’avoir une histoire si triste à raconter. Nous nous sommes fait arrêter si souvent, ma princesse et moi, dans les différentes allées de l’épicerie, à la pharmacie, au restaurant, au centre d’achat, sur la rue, dans TOUS les endroits où elle m’a accompagnée. Ces gens trop curieux, incapables de se placer dans ma peau un seul instant, observaient ma fille comme si elle était une bête de cirque.
J’avais choisi que j’allais me battre malgré le sombre pronostic. Que j’allais nous créer des souvenirs inoubliables. Que j’allais amener ma fille partout avec moi pour profiter au maximum du peu de temps que je partagerais avec elle. Tous ces petits moments qui peuvent sembler banals, je tentais de les savourer pleinement, mais ils étaient souvent assombris par tous ces questionnements venant de purs étrangers. Ils me rappellaient ma réalité exactement durant ces quelques moments où je réussissais à l’oublier partiellement.
Je ne crois pas que ces gens soient méchants ou qu’ils veulent mal faire. Je crois par contre qu’ils peuvent, parfois, être égocentriques. Leur désir d’assouvir leur curiosité est plus grand que leur capacité à penser aux autres. Ils sont incapables d’imaginer qu’ils sont peut-être les centièmes à me poser les mêmes questions dans la journée. Il n’y a pas un seul matin suite à l’annonce de la maladie de ma fille où je n’ai pas pensé que ce pouvait être le dernier. Je n’avais pas besoin de ces avides personnes pour me rappeler que chaque jour passé avec elle me rapprochait un peu plus de son départ, de sa mort.
Entre vous et moi, à quoi bon savoir si vous ne la connaissez même pas.
Si, un jour, vous croisez le chemin de parents d’enfant visiblement malade, ne posez pas de question. Offrez-leur plutôt un beau sourire, ça leur réchauffera le cœur.