Aller au contenu
Je n’ai pas choisi d’être maman
Crédit: Hollie Santos/Unsplash

C’est drôle parce que je m’ouvre aujourd’hui ici sur l’un des sujets que j’ai le plus caché dans les dernières années. Je ne sens pas que j’ai choisi d’être maman. La vie, peut-être, me l’a imposé.
 
Je suis la personne la plus pro-choix du monde entier. Un peu plus tôt dans l’année où je suis tombée enceinte de mon enfant, je me suis fait avorter pour la première fois de ma vie. Un fuck de pilule contraceptive. J’étais en Californie et je dealais très mal la chaleur et le soleil. En rentrant à Montréal, j’avais mal aux seins. J’ai fait un test de grossesse, j’étais enceinte. Mon chum ne voulait pas de bébé tout de suite, j’ai compris que je ne voulais pas en élever un toute seule, à 26 ans. J’ai pris la décision de mettre fin à cette grossesse.
 
J’ai trouvé ça difficile de me faire avorter. Physiquement et mentalement, ce n’est pas une longue balade au parc. Ça m’a fait mal au cœur et à la tête. Par contre, je ne regrette pas ma décision. J’ai pris le temps de réfléchir à l’impact du geste avec une psychologue qui m’a grandement aidée à faire le deuil de tout ça.
 
Puis, en décembre de cette même année, j’ai perdu connaissance dans mon cours après un party de Noël. Ce n’était pas à cause d’un violent hangover. Non. J’ai fait un test de grossesse le soir même. Je me foutais un peu du degré d’efficacité de ma pisse, je savais dans le fond de mon ventre que j’étais encore enceinte. 
 
Mon chum m’a demandé quand j’irais me faire avorter, me disant que 6 mois plus tard nous n’étions toujours pas prêts à être parents. J’ai pris le téléphone le lendemain matin et j’ai eu mon rendez-vous pour le 21 décembre. Les Mayas avaient prévu la fin du monde pour le 21 décembre de cette année-là. C’était la fin du monde et c’était la fin du monde pour moi aussi.
 
Le 20 décembre, en pleurant, j’ai dit à mon chum que je n’allais pas aller à mon rendez-vous, je ne voulais pas passer le temps des fêtes à me remettre d’un avortement, à gérer ce deuil encore une fois. Le temps des fêtes a passé, j’ai appelé à une clinique d’avortement le 6 janvier et j’avais un rendez-vous le 11.
 
Le 11 janvier, je me suis rendue à la clinique, la même où j’avais mis les pieds pas si longtemps avant. J’ai attendu patiemment mon tour. Je savais comment ça se passait et j’avais déjà entamé mon processus de deuil. À l’échographie de datation, le fœtus était rendu trop vieux pour une intervention normale. Je devais prendre un autre rendez-vous. La seule date disponible tombait sur une journée importante pour moi : je donnais une conférence devant les professionnels de mon milieu. J’ai dit à la secrétaire de la clinique que j’allais les appeler en après-midi pour confirmer. J’avais faim et je voulais sortir prendre l’air.
 
Je n’ai jamais rappelé.

À ce moment-là, j’ai décidé que s’il fallait que j’aie un enfant toute seule, je m’arrangerais bien avec mes affaires. Je sais que c’était naïf à ce moment-là, mais c’est correct. J’avais besoin de sentir que j’étais capable de le faire. Que peu importe ce que le monde allait penser de moi, j’allais porter cet enfant-là à terme.

Ça a pris du temps, des discussions vraiment intenses et bien d’autres choses pour que mon chum décide de rester. Il est encore là, si vous vous le demandez, et mon petit doigt me dit que c’était la bonne décision à prendre des deux côtés.
 
Je m’en suis tant voulu de cette histoire que je n’ai jamais senti que je méritais une grossesse heureuse. J’ai toujours senti que je devais prouver à mon enfant que je m’excusais. Encore maintenant, écrire ces mots aura pris près de trois ans. Pourtant, je ne fais que ça, écrire.
 
Au début de l’année, je me suis rendu compte que ce n’était pas trop moi qui avais choisi d’être maman. Même si je ne regretterai jamais le parcours que j’ai eu, j’ai encore de la peine pour celles qui se voient imposer une maternité qu’elles ne veulent peut-être pas porter.
 
Encore aujourd’hui, je prends le temps, chaque jour, pour dire à mon enfant que je l’aime, qu’il a fait son chemin dans mon ventre et que ce n’est pas pour rien qu’on s’est rencontré. On est fait pour être ensemble.

Je n’ai pas choisi d’être maman, mais c’est la meilleure non-décision de ma vie, pour moi. 

Plus de contenu