C’est à cet âge que tout a changé. C’est à ce moment que j’ai pris conscience de mon corps à cause d’une amie de classe qui m’avait touché le ventre, sans mon consentement, et qui s’est exclamée : « Euh wow? Tu es grosse toi… » Il ne m’en fallait pas plus. Mon estime était un château de cartes à cet âge et le château venait de s’effondrer. Le manège venait de commencer. L’enfer, c’était les prochaines années de ma vie. Les 13 prochaines années qui ont été empoisonnées par les pensées déroutantes en lien avec mon corps.
Combien de fois j’ai rêvé de me découper le ventre au couteau afin d’en retirer le gras? L’automutilation était de la partie, bien sûr. Les crises à en perdre de vue la réalité ont commencé à faire partie du quotidien. Il y avait une colère immense qui m’habitait. Une colère qui m’en voulait de peser 150 lbs. C’était trop lourd à porter. J’ai donc décidé de laisser mes émotions et ma tête gérer le tout. Je les ai regardées agir en trois temps : l’arrêt de me nourrir, calculer toutes les calories ingérées et des épisodes d’hyperphagie alimentaire. À l’école, je rêvais de manger de la junk food, des bonbons, du chocolat… mais heureusement qu’une fois à la maison je me resaisissais en m’envoyant quelques bonnes claques au visage pour garder le focus : maigrir.
Je m’intéressais à tous les régimes possibles. J’ai coupé dans tout. Je me contentais de ne rien manger le midi à l’école. J’ai commencé à mentir à mes amis, ma famille. J’ai commencé à m’isoler. Mon monde tournait autour de l’Internet afin de me ressourcer dans les diètes. Aller manger au restaurant était angoissant, ne sachant pas si j’allais trouver un menu convenable. Souvent, j’annulais. C’était plus simple. Je me pesais régulièrement. Je notais tout changement de mon corps. Parfois, j’allais m’entrainer 5 fois par semaine. Question de tout éliminer.
Un jour, j’ai vu 115 lbs sur la balance. J’avais un party mental. J’avais le ventre plat, de petits bras, de petites jambes, je flottais dans mes vêtements. La joie. J’adorais, le soir avant de me coucher, sentir mes os de bassin frotter mes draps, au lieu de mon ventre. Mais évidemment, il y a toujours quelque chose pour venir tout gâcher, right? L’aménorrhée est apparue. La perte de cheveux. Les ongles cassants, aussi. Avoir tout le temps froid. Des symptômes qui semblent être pour le autres jusqu’à ce que ça nous arrive.
Après une prise d’hormones pour retrouver un cycle menstruel normal, un suivi chez la diététicienne, un suivi psychiatrique à l’hopital de jour, un suivi avec une travailleuse sociale et un suivi d’un médecin généraliste, mon corps allait mieux… mais pas ma tête. Ah! Mes sauveurs, je les aurais tous frappés. Ils ne comprenaient rien de ce que je voulais et de ce que je vivais. « Des mangeux de marde », que je me disais. Jusqu’au jour où j’ai touché le fond et qu’on m’a ramassée à la petite cuillère. Ils ont su me remettre sur pied, petit à petit. Après plusieurs années, j’ai appris à accepter mon corps du mieux que je peux. C’est un combat de tous les jours.
N’hésitez jamais à consulter, le plus grand risque que vous prenez, c’est de vous sauver. Une clinique psychoalimentaire est disponible à Montréal. Sinon, les CLSC sont toujours une bonne option.
Quels sont vos trucs pour avoir une vie plus saine suite à un périple avec les troubles alimentaires?