Ma grand-mère paternelle a vécu pas loin de 94 ans. Elle est une de ces grands-mères qui aura eu une belle vie, qui aura travaillé fort. Elle aura eu pas mal d’enfants, plein de petits-enfants et une couple d’arrière-petits-enfants. Le jour où elle a dû quitter sa maison, à 91 ans, elle avait plusieurs personnes pour aller la visiter.
Elle aura vécu un peu moins de 3 ans placée dans un centre pour personnes âgées. 3 années passées en grande partie à regarder le temps filer et à oublier qui on était.
Elle me reconnaissait souvent. Et curieusement, elle reconnaissait presque toujours mon mari. Elle l’appelait « L’Anglais ». Elle oubliait que nous étions mariés, alors elle demandait souvent, durant ma grossesse, c’était qui le père. Ça la fatiguait.
« Ben c’est L’Anglais, Grand-Mom. Celui qui a pas de cheveux. Tu te souviens, on était venu te voir le jour de notre mariage. Regarde la photo. »
Puis, j’ai accouché et nous avons fait notre première sortie officielle en famille, un peu plus de deux semaines après. Nous sommes allés à Valleyfield (mon bled!). Nous sommes allés voir Grand-Mom.
Quand elle a vu mon fils sortir de sa coquille et apparaître dans sa chambre, du haut (pas très haut) de ses 93 ans, elle a applaudi. Son visage s’est littéralement illuminé. Elle a demandé à le prendre, tout de suite, instinctivement. Elle qui était toujours fatiguée, elle qui dormait souvent, la venue de ce petit bébé l’avait réveillée.
Crédit : Sarah Trépanier
Nous l’avons assise, nous les avons placés. Puis elle l’a regardé, elle l’a bercé, elle a observé ses petites mimiques et a remarqué tous ses petits sourires furtifs.
Et elle a demandé c’était qui le père.
« Ben, c’est L’Anglais, Grand-Mom »
« Qu’est-que vous allez faire avec ce bébé-là? »
« On va l’élever Grand-Mom. Comme toi pis Pépère Méo avez fait avec vos enfants. »
Quand nous sommes sortis de là la première fois, ma mère m’a raconté avoir revu une grand-mère dont je n’ai moi-même même pas souvenir. Elle m’a dit avoir revu ma grand-mère après la naissance de chacun de ses petits-enfants.
Toutes les fois que je l’ai visitée avec mon fils, une partie bien endormie au fond d’elle semblait se réveiller. Quand elle nous écoutait, mon père et moi, chanter une chanson à mon garçon, des paroles lui revenaient en tête. On pouvait clairement lire sur ses lèvres les paroles de À la claire fontaine.
Puis Grand-Mom s’est envolée, un peu moins d’un mois avant d’avoir atteint l’âge vénérable de 94 ans. En revenant du CLSC pour les vaccins de 6 mois de mon fils, mon père m’appelait pour me dire que « M’man est partie ».
Crédit : sarahtrepanier/instagram
Sans le savoir, mon fils m’aura ramené ma Grand-Mom pendant de courts moments. Il aura été, l’instant de quelques mois, ce que j’appelle sa bébéthérapie.
La bébéthérapie avec des personnes âgées, vous l’avez vécue vous aussi?