À force d’allaiter mon bébé (même si j’adore ça); à force de jouer avec ma bambine (même si elle m’épate tous les jours); à force de dialoguer avec mon ado (qui est vraiment adorable); à force d’écouter mon mari (dont l’intelligence me fascine); de parler avec ma mère (qui est une soie); de m’assurer que ma meilleure amie va bien (elle traverse une période mouvementée); d’épauler ma copine nouvelle maman (elle m’a tellement rendu service à une autre époque); de planifier l’anniversaire de ma filleule (ne jamais oublier les 11 ans d’une enfant!)… Je n’ai tout simplement plus de forces.
Je me distribue en miettes à l’une ou à l’autre des personnes qui me sont chères. J’ai l’impression de ne jamais suffire, de n’en n’offrir jamais assez. Je voudrais prendre une journée complète pour passer du temps de qualité avec chacun. Offrir davantage que des miettes. Les nourrir réellement, car je reçois tellement d’eux! Mais plutôt que d’être satisfaite des moments que je partage, je me sens grugée de toute part. Fatiguée.
Depuis plusieurs mois, je suis pigiste et je travaille de la maison. J’ai des clients pour lesquels je livre à temps, mais je planche également sur des projets personnels que je veux voir aboutir. Je les porte depuis des mois, ces projets! Une gestation infinie depuis avant mes grossesses, depuis avant ma vie professionnelle, avant même mon entrée à la maternelle, je pense. Comment faites-vous mes amies maman-pigistes? Comment vous accomplissez-vous sans que la pression extérieure ne vienne structurer vos journées et vos priorités?
C’est que mes priorités personnelles me semblent toujours moins prioritaires que celles de ma famille! Chaque fois que je prends du temps (nécessaire) pour les miens, j’en enlève à mes projets personnels (stagnants). Au bout de mes jours, il me reste des miettes de minutes, bien insuffisantes pour faire avancer efficacement quelque projet que ce soit.
J’aime ma famille, je mourrais si je la perdais. J’aime mes enfants plus que tout et j’ai besoin de mon mari – de ses bras, de son regard et de ses histoires. Mais où suis-je? Quel est ce tas de miettes par terre sinon ces fragments de moi que je distribue en émiettant mes rêves les plus chers…
Malgré tout mon bonheur à être maman, je rêve de partir 2-3 jours SEULE. (Ce pourrait aussi être 2-3 semaines, je pense…) Sans rien ni personne. Pour écrire, pour lire, pour vivre. Rassembler mes miettes et me reconstituer entière : mère, femme et travailleuse.
Je couche mes filles en ressassant ces pensées des derniers jours. Peut-être que chaque câlin me semble insatisfaisant parce qu’offert avec cette culpabilité de ne pas être performante, à faire autre chose de « plus important ». Et je me mets machinalement à fredonner une des chansons avec lesquelles je les berce.
« Le temps que l’on prend pour dire je t’aime
C’est le seul qui reste au bout de nos jours »
C’est un couplet de Gens du pays de Gilles Vigneault, que je chante souvent sans y penser. Et pourtant, ma réponse est là. Il me faut seulement trouver un équilibre et me bercer. Que je me berce plus régulièrement de ces paroles pour les intégrer une fois pour toute!