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Papa est un criminel
Crédit: Pixabay/vero_vig_050

« Pour le meilleur et pour le pire, hein? » C’est à peu près ce que m’a dit son avocat, avec un petit sourire mal à l’aise, juste avant de nous guider dans la salle d’audience.

Mon conjoint est un criminel. Ce n’est pas un meurtrier, ni un pédophile, ni un vendeur de drogues. Il n’est entré par effraction chez personne. Il n’a jamais levé la main sur moi, ni sur quiconque. Il a saisi une occasion de faire de l’argent facile. Pour aider à payer les factures. Pour nous, pour les enfants. Même moi, qui me considère pourtant comme quelqu’un de très honnête, j’ignorais que c’était du vol, du point de vue de la loi.

Notre monde s’est écroulé un matin, alors qu’une équipe de 8 enquêteurs est débarquée chez nous. Pour l’amener au poste pour un interrogatoire et pour fouiller l’entièreté de notre maison. Pour me questionner aussi.

L’avocat de la Couronne a d’abord proposé un an de détention à domicile. Parce que lui-même ne trouvait pas que la nature du crime valait un emprisonnement. Proposition qui a été rejetée, puisque le code criminel avait changé quelques mois auparavant, ne permettant plus ce genre de peine. Au final, il a écopé d’un 90 jours à purger de façon discontinue et des heures de travaux communautaires.

Entre ce matin-là et la remise du verdict, j’ai eu peur. D’être accusée de complicité, de faire de la prison, qu’on nous saisisse la maison. Ou pire, de perdre la garde de mes enfants. J’ai eu peur de ce qui allait lui arriver, aussi.

La ligne est parfois mince entre ce qui est légal et ce qui ne l’est pas.
Crédit : pixabay/Ramdlom

 

Dire au revoir, pour une première fin de semaine de détention, ça fend le cœur. C’est un stress sans nom, teinté de tous les préjugés liés à la prison qui nous sont véhiculés par le cinéma. Est-ce qu’il allait se faire battre, violer ou tuer? Dans quel état physique et psychologique allait-il me revenir le dimanche? Et tous les dimanches suivants?

Depuis ce matin, je vis dans la peur des « qu’en dira-t-on? » Dans la peur que la nouvelle se propage. Ce n’est pas quelque chose dont on se vante en général.

Bien sûr, j’ai pensé à le quitter. Mais à quel prix? On s’aime, on est heureux ensemble. Il est un excellent père pour les enfants. Et je crois qu’il ne serait pas autant impliqué si ça n’était pas arrivé. Avec la peur de tout perdre est venue aussi la réalisation de la chance qu’il avait. D’avoir sa famille, des enfants en santé. C’est une épreuve, hors du commun, il faut l’avouer, mais à travers laquelle nous avons réussi à passer jusqu’à aujourd’hui.

Maintenant que la peine est terminée, nous commençons à respirer tranquillement. Peut-être qu’on finira par en parler à nos proches, mais peut-être que ça n’arrivera jamais aussi. Peut-être qu’un jour, nos enfants sauront ce que leur père a fait, à un âge où ils étaient encore trop jeunes pour en garder des souvenirs. Alors qu’ils étaient encore trop jeunes pour comprendre que papa ne partait pas vraiment travailler chaque samedi. Pour leur donner une leçon de vie suite à une connerie qu’ils auraient faite.

Il reste une certaine honte (justifiée ou non, je l’ignore encore). De n’avoir pas réalisé que ce qu’il faisait était illégal. De ne pas l’avoir convaincu d’arrêter. Mais j’assume ma décision de continuer ma vie avec lui. Pour le meilleur, et pour le pire.

Avez-vous aussi dû faire face à la justice avec votre conjoint et comment avez-vous géré les évènements?

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