Je veux vous parler aujourd’hui d’un sujet qui me tient énormément à cœur : le handicap de ma petite sœur. Au début du mois, Myriam nous parlait sur Ton Petit Look de l’importance de combattre les préjugés et de voir plus loin que le diagnostic. Je vous parlerai d’un autre côté de la médaille : grandir avec une sœur handicapée.
J’ai un an et demi de différence avec Gabrielle, ma petite sœur. Vers ses deux ans, mes parents ont appris qu’elle était dysphasique. C’est un handicap complexe à définir, mais tout son développement en a été affecté. Notre enfance a été assez mouvementée et je la dénigrais tout le temps…
J’ai une piètre mémoire, beaucoup de choses m’ont été racontées par ma mère, mais autant, j’étais celle qui la comprenait le mieux, autant, j’étais celle qui la rejetait le plus. Je détestais son handicap, je détestais cette partie d’elle qui faisait que je n’avais pas une sœur « normale ». Ce handicap qui faisait que lorsque je jouais avec elle, il fallait répéter, être patiente. Toutes ces années, je n’ai pas été patiente avec elle. Je l’aimais, mais j’étais fâchée. Elle prenait tellement d’attention, et à travers mes yeux d’enfant, c’était moi qui subissais une carence face à elle, moi qui « perdais » l’attention de mes parents. Je la rabrouais tout le temps sur sa lenteur physique, ses incapacités, j’étais réellement son pire bourreau.
J’en ai excessivement honte maintenant, des années plus tard. Ça m’a pris une sortie du cocon familial pour comprendre pourquoi je détestais son handicap, cette partie d’elle qui ne la définit pourtant pas en entier. Grandir avec un enfant handicapé, c’est très difficile. Il faut faire des compromis, il faut devenir indépendante plus rapidement parce que les parents ont une « charge de travail » supplémentaire, il faut expliquer aux amis qui viennent à la maison que ma petite sœur est différente, mais qu’elle est très gentille. C’est faire un deuil, et c’est la raison de ma colère face à elle.
J’étais en colère de ne jamais pouvoir partager mes vêtements avec elle, parler de garçons, boire en cachette, se confier. J’étais en colère de ne pas pouvoir vivre ce rêve hollywoodien d’une relation fraternelle parfaite avec ma sœur.
Avec le recul, voici ce que j’ai compris : oui, ma relation avec ma sœur ne sera jamais à l’image de ce que m’ont appris la société et les films hollywoodiens, mais j’en tire beaucoup plus que si ma Gaboue avait été une enfant sans handicap. À son contact, j’ai appris l’ouverture d’esprit, j’ai appris la persévérance et le courage. J’ai compris que les limites d’une personne ne sont pas ce qui la définit, mais plutôt sa réaction face aux défis.
J’ai surtout compris qu’elle aussi avait un deuil à vivre. Dans le cas de ma petite sœur, l’ironie du sort fait qu’elle est consciente de sa condition. Elle sait qu’elle est limitée et surtout, elle sent et comprend les regards des autres sur elle. Pour elle, la vie quotidienne est un défi. Se faire comprendre des autres, trouver sa place dans une société qui exclue énormément la différence. Ce que nous avons souvent tendance à oublier, moi la première, c’est que les personnes handicapées sont excessivement sensibles, plus que la moyenne et très intelligentes à leur manière.
Aujourd’hui, ma Gabrielle est l’être humain que je préfère par-dessus tout dans cet univers. Ça m’a pris du cheminement et beaucoup d’introspection pour comprendre et évacuer la colère que j’avais à son égard, mais je suis fière de dire qu’une partie de ce que je suis aujourd’hui, c’est grâce à elle et sa force de caractère incroyable.
Ma puce et moi
Crédit : Alexandra Mayor
Je t’aime, ma Gaboue.
Avez-vous grandi avec un frère ou une sœur handicapée? Êtes-vous parent d’un enfant handicapé? Si oui, quel a été votre cheminement face à eux?