Ma fille a beaucoup grandi. J’ai tenu cette constatation à l’écart de mes pensées, comme si je désirais conserver un peu plus longtemps son enfance auprès de moi. Cependant, depuis quelques mois, je reçois presque quotidiennement des rappels flagrants du fait que ma fille a 11 ans. Elle n’est plus tout à fait une enfant.
En une année seulement, j’ai dû par trois fois lui procurer de nouvelles chaussures, si bien qu’elle porte désormais une pointure de moins que moi. Je passe mon temps à purger ses tiroirs et sa garde-robe, triant les vêtements devenus trop petits ou étriqués. On peut dire que sa croissance a littéralement explosé. À cette vitesse, je lui donne encore une ou deux années et elle m’aura dépassée en grandeur.
Cette fin de semaine, profitant de la mauvaise température, j’ai fait une purge dans ma propre garde-robe. Comme toujours quand c’est une question de vêtements, ma fille se tenait sur mon lit en commentant chacune de mes interventions : « Tu donnes, ce n’est pas super beau sur toi (!!!) » ou encore « Pas question que tu te débarrasses de ça ».
Lorsque cette tâche fut accomplie, j’ai mis les vêtements exclus de mon walk-in de côté, puis je suis partie vaquer à mes douze mille autres occupations. Il faisait un froid glacial cette journée-là et à quelques reprises, j’ai rappelé ma préado à l’ordre. Elle se promenait dans la maison pieds nus et en t-shirt, alors que je voulais qu’elle s’habille un peu plus chaudement.
Elle a finalement daigné écouter mes sages conseils de maman soucieuse de son bien-être. Elle est montée à l’étage pour s’habiller en conséquence. Lorsqu’elle est redescendue, mon cœur a fait un bond de surprise. Ma fille avait enfilé un des chandails de laine que j’avais mis dans la pile « À donner ». C’était un très beau chandail, mais comme j’en possède plusieurs et que c’était celui que je portais le moins souvent, il avait été désigné pour laisser un peu de place aux autres.
Une fois passée la surprise de voir qu’elle portait un de mes vêtements, j’ai immédiatement protesté. Je lui ai demandé de le retirer et de le remettre dans la pile où elle l’avait pris. Je ne pourrais pas l’expliquer clairement, mais cette situation me déroutait, comme si quelque chose n’allait pas. Au tour de ma fille d’être surprise de ma réaction un brin démesurée. Elle me dit, un peu sur la défensive : « Il est super beau et je l’aime. Le turquoise c’est ma couleur préférée. Il me va bien et en plus, tu ne le veux plus. Est-ce que je peux le garder? »
Elle avait raison sur toute la ligne.
Il était de sa couleur préférée. Je ne l’avais effectivement pas porté depuis presque une année entière. Et oui (ce qui m’affectait le plus), il lui allait vraiment bien. Un peu long, mais à peine. Ça lui donnait un petit air cozy qui s’acclimatait à merveille avec un dimanche après-midi de tempête. Je me suis ressaisie un peu et je lui ai dit que ça me faisait plaisir qu’elle le garde.
Encore une fois, j’ai eu cette curieuse impression que le temps a filé à une vitesse folle et que mon petit bébé avait fait place à la jeune fille qui se tenait devant moi. Dans un soudain moment de lucidité, l’image de l’adulte qu’elle devient tranquillement m’a sauté aux yeux comme une évidence.
J’ai eu honte de ma réaction un peu sur la défensive, comme si le fait de devenir grande ne me faisait pas plaisir. J’étais fière de voir à quel point elle s’épanouit en beauté et en intelligence. J’étais également fière qu’elle veuille porter mes vêtements, moi qui suis sa « vieille » mère de 35 ans (presque une ancêtre). Et j’étais à la fois un peu triste de constater ce que nous laissons derrière nous, ces petites choses de l’enfance qui ne reviendront plus jamais.
Au final, la parentalité, c’est un enchevêtrement d’émotions.