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Combattre un trouble alimentaire ou comment j’ai choisi la vie

Dans la vie, nous avons tous des raisons de célébrer des choses, que ce soit la réalisation d’un projet ou une naissance par exemple. De mon côté, dans les prochains jours, je célébrerai avec moi-même une victoire vieille de dix ans.

Il y a dix ans, j’ai fermé une porte derrière moi et j’y ai laissé un trouble alimentaire.
 
Je me souviens très bien qu’au cœur de la maladie, lorsque j’étais à l’hôpital Douglas, je croyais profondément que rendue là, il était impossible de s’en sortir. À ce moment-là, j’étais convaincue que même des filles qui allaient visiblement mieux ne pouvaient être véritablement heureuses. Comment une douleur si profonde pouvait-elle réellement nous quitter un jour?
 
J’ai passé cinq ans dans ce tourbillon. Je ne compte plus tous les kilomètres que j’ai courus et marchés, ni toutes les longueurs nagées au bassin olympique. J’ai fait souffrir mon cœur, mon corps, mon âme et par ricochet, j’ai fait souffrir bien des gens malgré moi.
 
À un certain point, j’ai compris que toute ma souffrance et mon isolement finiraient par me tuer; qu’un jour, mon cœur arrêterait de battre en courant ou en vomissant; que ce soi-disant contrôle que je croyais exercer sur ma vie n’était, en fait, qu’un mirage; que la bulle que je m’étais construite était plutôt une tombe que je creusais un peu plus chaque jour.

Je me souviens exactement du moment où j’ai choisi la vie. Recroquevillée par terre dans mon appartement, j’en ai eu assez. J’ai demandé de l’aide pour la énième fois au Douglas, ils ont accepté et j’ai accroché mes souliers.
 
À partir de cet instant-là, il s’est écoulé un an avant que je puisse dire « c’est terminé ». Je suis retournée vivre en société, alors que je m’étais exclue du monde. Je me suis obligée à me sociabiliser en retournant sur les bancs d’école et en m’inscrivant à un voyage parascolaire. À la fin de l’année, dans le désert du Maroc, j’ai contemplé ce paysage grandiose et j’ai compris que j’avais réussi. Ma traversée du désert à moi était terminée.
 
C’est fou de faire souffrir un corps de la sorte et qu’il ne nous en tienne pas rigueur. Je lui ai fait vivre les extrêmes et pourtant, il est toujours là et maintenant, je le respecte. Aujourd’hui, je suis devenue ce que je craignais le plus lorsque j’étais malade, je suis, selon la définition clinique, obèse. Par contre, je suis devenue profondément heureuse, et c’est là le plus important de l’histoire.

Dix ans plus tard, ce corps a donné la vie à trois reprises. Il est la plus grande source de réconfort de mes poulettes, il est aimé et il aime. Aujourd’hui, je suis à l’antipode des critères de beauté dictés par la société et ça ne me fait pas un pli, car le bonheur n’est pas une question de poids et d’apparence pour moi.

Je ne vous conterai pas d’histoires, il y a bien sûr encore des tempêtes dans ma vie, parfois même des ouragans. Par contre, j’ai un amoureux qui est à mes côtés, sans condition. J’ai aussi une psy extraordinaire qui a toujours répondu présente quand les doutes et les tempêtes ont pointé le bout de leur nez. Elle me connaît mieux que moi-même et m’aide à voir ce que je ne vois pas. Je crois que nous sommes devenues une bonne équipe après toutes ses années.

Il y a dix ans, dans la tempête, jamais je n’aurais cru que tout cela serait possible. Malgré tout, petit à petit, avec une aide précieuse et une mer de résilience, j’ai choisi la vie avec ses hauts et ses bas. Je connais trop bien toute la détresse qui nous habite lorsque nous souffrons d’un trouble alimentaire, mais je vous jure que c’est possible de s’en sortir et la tête haute.

Personnellement, cela fera toujours partie de moi, mais maintenant comme une force immuable, car je sais qui je suis et ce que je peux accomplir.
 
 

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