Pour nous c’était une règle non écrite, c’est lui qui allait passer sous le bistouri. Deux héritiers c’était suffisant. Nous n’avions même pas eu à débattre sur le sujet, il savait que c’était « à son tour ». T’sais! Je les ai portés 80 semaines en tout, j’ai souffert pour un cumulatif de 27 heures et j’ai scrapé mon corps pour en retrouver un mou à la fin de cette belle aventure. Donc, toi, l’homme, oui! Tu vas passer un gros quinze minutes les culottes à terre devant un médecin pour mettre le point final à notre projet famille.
Le matin du rendez-vous, je n’ai pu l’accompagner, je devais faire visiter à un client une maison à la campagne. Et sur le chemin du retour, mon cellulaire m’a surprise avec un de ses textos : « c’est fait! Je sors de la clinique. »
Je conduisais sur une magnifique route bordée de champs et de fleurs à perte de vue et je me disais que peut-être trois aurait été bien. Et si nous nous étions trompés? Et si nous avions pris la mauvaise route? Soudainement, tout est devenu flou, je roulais, je pleurais et je voyais ces cinq dernières années défiler dans mon esprit. Deux tests de grossesse positifs, deux accouchements parfaits, de nombreuses chicanes à trois heures du matin, car nous étions juste trop fatigués d’être fatigués. Et ça, c’est sans calculer le nombre de fois où j’ai sorti mon précieux thermomètre. Vraiment ces années avaient été un déversement de nouvelles expériences. Et là, ce petit texto qui m’annonçait que c’était la fin. Honnêtement, ça m’a prise au cœur. Sans que je m’y attende, j’avais un deuil à faire.
Je suis rentrée à la maison, je me suis allongée près de lui avec son sac de pois verts. Pour lui, c’était réglé dans sa tête depuis le jour de la naissance de notre petite dernière. Mais pour moi, ça venait de prendre officiellement fin. Je lui ai dit : « c’était vraiment l’fun d’agrandir cette famille avec toi, ça me rend triste de penser que cette étape est déjà terminée… mais d’un autre côté, ça me rend heureuse, car toi et moi on fait un méchant bon team. Encore aujourd’hui. »
Il m’a embrassée tout en grimaçant de douleur. L’espace d’un instant, j’ai eu mal pour lui, j’ai vraiment eu de l’empathie. Mais ça n’a duré qu’un gros deux minutes. Après tout, c’est moi qui avais fait le gros du travail. Je suis donc partie faire le dîner en me disant que la vie m’avait fait un inestimable cadeau avec ces deux enfants, que même si c’était loin d’être rose bonbon, la famille était vraiment de loin le plus beau projet que nous avions bâti ensemble. La vasectomie bouclait la boucle et c’était bien comme ça! Il faut prendre le temps d’accepter la fin des choses, même si quelque part, on voudrait que le temps s’arrête.