J’ai toujours aimé ma mère profondément. Elle s’est dévouée pour ses enfants toute sa vie. Malgré mes années d’études universitaires exigeantes et mon premier emploi sérieux, nous sommes restées proches l’une de l’autre. Mais les dernières années l’ont changée. Elle a vieilli. Pourtant, elle avait tellement hâte d’avoir un petit-enfant.
J’ai fait des choix différents des siens. J’ai allaité alors qu’elle a donné le biberon. J’ai fait du cododo alors que c’était contre-indiqué à son époque. J’ai débuté la diversification menée par l’enfant, elle était une adepte des purées.
Elle continuait de me donner des conseils, même s’ils ne s’appliquaient pas. « Il n’a pas déjà soif? Voyons, allaiter à la demande… Ça devrait être aux trois heures ou aux quatre heures minimum! », « Il n’a pas encore dormi? Ton bébé devrait faire ses nuits à cet âge! Mets-le dans sa couchette, il va dormir! », « Donne-lui de l’eau. Donne-lui des céréales. Des morceaux?! Il va s’étouffer franchement! »
Je savais que derrière ces commentaires, elle s’inquiétait pour sa fille. Elle souhaitait le mieux pour moi. Cependant, à chaque chemin différent que je prenais, je sentais que nous nous éloignions l’une de l’autre. N’avions-nous pas des valeurs semblables au départ? Pourquoi mes choix creusaient un abîme entre nos expériences de la maternité?
J’aurais aimé qu’elle m’écoute davantage. J’aurais voulu qu’elle s’intéresse à mes choix sans les questionner et qu’elle respecte mes décisions. J’aurais souhaité que nous puissions discuter ensemble des réflexions qui m’ont menée à élever mon enfant de cette façon.
Nos échanges ont perdu de leur richesse, de leur spontanéité, de leur plaisir. Ils sont devenus ponctués de remarques fréquentes sur mes pratiques parentales, parfois même acerbes. Cette femme que j’ai tant admirée est devenue amère. Notre complicité de jadis s’est effacée pour laisser place à une relation cordiale, distante.
Avoir un enfant m’a éloignée de ma mère.
Elle aura toujours un rôle important dans la vie de mon bébé, mais je constate avec beaucoup de tristesse que le rôle qu’elle a eu dans la mienne a changé depuis la naissance de mon enfant.