J’ai une amie triste et fatiguée (et mère aussi) à qui je pense parfois lorsque je poste des photos sur Facebook. Il m’arrive d’hésiter avant de mettre une image de ma fille Terrible Two (si mignonne quand elle ne crie pas).
Les moments imparfaits envahissent ma vie avec tant d’amplitude depuis que je suis maman qu’il m’arrive de paniquer. Je n’ai plus le calme lisse d’avant. La zénitude est un souvenir. Je m’ennuie du silence.
Je suis devenue quelqu’un qui peste contre la culotte souillée de ma fille. Je hurle, je vous dis, si souvent. Haaaa!
Moment doux capté par Anne.
Crédit : Anne Genest
Mais il y a des moments doux aussi. Des moments tendres et parfaits. Des accalmies post-tempête. Alors, je sors mon Canon Rebel, je choisis l’option manuelle. Je calibre l’image jusqu’au détail de la lumière. Je veux qu’elle soit onctueuse comme une peau de bébé. Puis, clac. Je capte l’instant. Je mémorise. J’immortalise. Je veux me rappeler. Ces moments-là, je les écris aussi. Je les dépose à la pointe de mon stylo. Pour m’en imbiber. Et pour survivre quand c’est le #FuckingMess.
Depuis que je suis maman, je ne contrôle plus vraiment ma joie. Mes sentiments subissent des soubresauts de petite fille. Les rires et les pleurs de Laure pimpent ma vie. J’existe vraiment. Mes paroles, mes gestes et mes décisions ont un impact dans une existence délicate qui s’éveille, fleurit, se révolte aussi. Je vis en double au lieu de vivre pour moi seule. Et cette vie doublée (aoümmmmm!!!, épuisante, éreintante est parfaite parce qu’imparfaite. Je vis pour de vrai, enfin!
Peut-être que je lis trop Sylvia Plath ces jours-ci, mais en tombant sur le texte Le retour de la mère parfaite, paru dans Le Monde, j’ai pensé à la poète. Plath projetait l’image d’une femme et d’une maman si heureuse (c’est ce que racontaient les lettres envoyées à sa mère). Mais au coeur de son travail se trouvait l’idée du suicide. Plath s’est servie de l’écriture (de la beauté de l’écriture) pour survivre. Peu avant de s’éteindre, elle écrit le poème Les mannequins de Munich et le vers célèbre « La perfection est atroce, elle ne peut avoir d’enfants. » Quand l’écriture cesse de pallier la vie de Sylvia Plath, elle se donne la mort.
Sur Facebook, si l’image que je projette de moi est si léchée, c’est parce que je souhaite m’accrocher à ce qui est beau et aux éclaircies d’après-tempête. Je veux qu’à travers les épreuves, ce qui reste soit une maternité « pas parfaite » mais lumineuse.