Vous avez souvent vu le soleil se lever alors que vous alliez vous coucher.
Vous avez chassé le sommeil; les fantômes du passé. Vous avez rattrapé le temps pour mieux le reperdre. Chaque instant vous appartient et pour le reste, il y aura toujours le lendemain.
Vous êtes seule. Puis avec un conjoint. Pour un jour, un an, une vie.
Dans votre frigo, y’a du mousseux et un pot de mayo.
Tout va bien.
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Vous cultivez à deux la lenteur des matinées, les œufs au bacon noyés des frasques de la veille. Les avions qui vont, qui viennent, qui décollent ou non. L’important, ce n’est pas la destination, c’est cette histoire à deux que vous écrivez.
Autour d’une manette de Xbox ou d’un Popsicle à la banane.
Devant l’écran de votre cinéma de quartier.
Vous refaites le monde, l’échangez pour deux de la marque concurrente.
Vous vous promettez des mots impossibles. Que vous pleurerez après les avoir trahis.
Les recollerez. Les réparerez. Repartirez ensemble pour plusieurs décennies.
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Jusqu’à ce matin-là.
Qui n’avait d’abord l’air de rien. Des toasts, du café, cette place vide à table. Vous y êtes. Il y est. Qui d’autre pourrait bien l’occuper? Vous imaginez une p’tite tête brune ou frisée. Tartinée de Nutella comme si c’était du camo ou du mascara. Ça bat des pieds dans le vide en chantant « Coccinelle Demoiselle ». Ça pleure parce que ça voulait du jus et ça n’en veut plus. Ça fait un câlin, du boudin, un spectacle de fin d’année, une entrée à l’université.
C’est l’univers des possibles.
Vous ne savez probablement pas tout ce que ça implique, mais vous savez que tout va changer.
Vous hésitez. Le souvenir de la p’tite tête est pas mal en train de foutre le bordel dans le reste de vos idées. Partout où vous regardez, y a une bouclette ou une trace de doigts crottés.
Et si après 36 ans, il était trop tard? Et si certaines habitudes ne se perdaient plus? Et si vous regrettiez ce temps qui vous appartenait. Cette routine qui n’en est pas une? Ce canapé sans tache, ce weekend sans attache? Ce matin sans réveil? Cette face sans cache-cernes?
Vous vous mettez donc à en parler. Timidement. Puis, crissement tout le temps. Jusque dans ces moments où vous jouez à World of Warcraft ou aux amants. Impossible de le nier, la présence de la p’tite tête brune ou frisée est comme une nécessité.
Fuck cette plage inexplorée et ce coin lecture rempli de bibelots aujourd’hui cassés.
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Quand l’envie d’un enfant arrive, après 20, 30 ou 36 ans, ça sert à rien de l’ignorer.
Ça ne facilite pas les choses, des bouclettes et des doigts crottés. Même que ça teste des limites insoupçonnées.
Mais en bout de ligne, ça a fait passer la réalité en HD. La crème glacée aux fraises goûte désormais plus sucrée.
Je parle pour moi quand j’dis ça, vous me direz ce que vous en pensez, mais mon nouveau Nous a fait de Moi un meilleur Je.
Vous l’avez entendu quand, votre call de la maternité? L’avez-vous longtemps ignoré? Avez-vous eu peur de le regretter?