Le 31 juillet, ça fera 3 ans que je blogue principalement au sujet de l’autisme de ma fille. Par contre, les choses ont changé depuis mes débuts. Si j’ai commencé à bloguer dans le but de faire connaître les diverses embûches que vivent les parents d’enfants autistes, et avec le rêve de faire bouger les choses, depuis quelque temps, je reçois des messages désobligeants. Résultat, je pense à arrêter d’écrire et à cesser de militer pour le respect des parents d’enfants autistes.
Cette semaine, une maman me confiait qu’elle se sentait harcelée sur les forums de discussions destinés aux parents d’enfants autistes. Selon son point de vue, on ne peut plus rien dire, surtout les choses négatives, sans que « la police de la bonne attitude » (ou du positivisme absolu) ne s’immiscent dans les conversations. Je sais qu’elle dit vrai, car elle n’est pas la seule à s’en plaindre.
Tranquillement, nous sommes de retour aux années où les parents ne devaient pas parler de ce qu’ils vivent, mais surtout, ne pas montrer leur enfant avec des maniéristes ou en crise.
On veut du beau, juste du beau? Je m’excuse, mais ma fille, même en plein flapping, elle est magnifique! En tant que mère, je préfère qu’elle régularise son anxiété plutôt qu’elle me pète une crise! Personne ne me fera croire qu’un autiste en crise est heureux de ce qu’il vit! Donc go ma fille, flap tant que t’en as besoin! Public pas public! Caméra pas caméra! L’important, c’est ton bien-être à toi!
Certains vont jusqu’à réclamer aux parents et aux associations de ne plus publier de vidéos d’enfants démontrant un trouble spectre de l’autisme plus visible sous prétexte qu’ils ne représentent pas la majorité. Donc si ce n’est pas la majorité, ce n’est pas important? Personnellement, c’est ce que j’appelle de la discrimination des minorités! Est-ce légal, ça?
Où cela s’arrêtera-t-il? Ne plus les montrer dans les lieux publics? Ne plus parler de leur diagnostic pour ne pas nuire à la vision que notre société a de l’autisme, qui est en fait uniquement le Trouble spectre de l’autisme niveau 1? Alors que nous commençons à peine à voir les effets de la conscientisation sur les gens dans les lieux publics, il faudrait maintenant rebrousser chemin et rentrer à la maison? No way!
Cet autisme, que certains refusent de reconnaître, ces vidéos d’enfants de 2 ans en crise, que certains veulent interdire, c’est ce que je vivais chez moi, il y a 4 ans. Sans les vidéos de Annie Da Silva, une blogueuse qui parlait ouvertement de l’autisme de son fils Tommy, je n’aurais peut-être jamais poussé autant pour obtenir le diagnostic de ma fille. Pas de diagnostic, pas d’aide! Ces images me rassuraient. Elles me disaient que je n’étais pas seule. Ses textes remplis de vérités me réconfortaient. Le quotidien de sa famille était le mien. En tant que mère, j’avais besoin de ça et c’est ce qui m’a accompagnée dans mon processus d’acceptation!
Cette nouvelle tendance de l’autisme sans nuance cause bien des maux. Bien que le trouble spectre de l’autisme soit divisé en trois niveaux, de plus en plus, on nous englobe tout ça dans un beau paquet cadeau, tout beau, tout lisse, tout rose, en affirmant que tout ce qu’il y a dedans, c’est la même chose. Si c’est réellement identique, pourquoi le DSM-5, manuel diagnostique et statistiques des troubles mentaux, aurait-il pris soin de diviser ce trouble en trois catégories?
Chez nous l’autisme n’a jamais été rose. Chez nous, l’autisme me donne encore les bleus. Parfois, c’est bleu pâle, parfois c’est bleu foncé. Mais cette nouvelle tendance du rose, sans nuance, n’est pas ce que je vis.
Le rose n’est pas présent chez les parents que je côtoie et qui vivent le Trouble spectre de l’autisme de niveau 3 non plus. Même chez les parents d’enfants diagnostiqués Trouble spectre de l’autisme niveaux 1, certains réclament de la nuance, car ils seraient beaucoup plus dans le mauve que dans le rose.
Afin que cette cause avance, il faudrait apprendre à nuancer. Il faudra que les recherchistes qui trient les invités ne mettent pas uniquement en onde les gens qui ne parlent que du positif. Oui, positif, il y a, mais il n’y a pas que ça! Il faudrait que les parents et les professionnels invités lors de ces émissions disent clairement que l’autisme n’a pas qu’un seul niveau. Il faudrait que ceux qui vivent l’autisme haut en couleur acceptent que, pour certains, ce soit la noirceur, sans leur demander de se taire. Il faudra que l’on cesse de crier à l’ouverture des employeurs alors que les gouvernements ne mettent rien en place pour faciliter l’embauche des personnes autistes.
Demain matin, mettez en place une enveloppe budgétaire pour encourager l’embauche – comme ce fut le cas pour d’autres causes toutes aussi importantes, comme par exemple, les nouveaux arrivants syriens – et les employeurs seront en mesure de mettre en place des actions concrètes. Des actions qui permettront aux personnes ayant un diagnostic de T.S.A. niveau 1, d’être valorisées, sans vivre la pression liée au manque d’accompagnement.
Embaucher c’est bien, mais l’épanouissement d’un employé demande beaucoup plus qu’un poste de travail. Si nous souhaitons que ces personnes autistes atteignent leur plein potentiel, il faut développer un environnement qui saura répondre à leurs besoins, mais également aux besoins de rendement de l’entreprise. Ainsi, nous éviterons les embauches qui se transforment en congédiement, déguisé en coupure de poste, parce que la personne autiste ne fonctionne pas comme le voudrait l’employeur! Pour que les deux parties trouvent leur compte dans cette alliance, il faut beaucoup plus que de l’ouverture.
Pour que cette cause avance, il faut dire les vraies affaires, car ni le silence, ni le manque de nuances, ne rendront service aux autistes, peu importe leur niveau.