Dans ma vie, il y a plusieurs premières fois mémorables. Mon premier baiser. La première fois qu’un garçon a touché mes seins. Le premier « je t’aime » réciproque. La première fois que j’ai fait l’amour.
Mais maintenant, il y a une nouvelle première fois : la première que je fréquente un homme depuis que je suis séparée.
C’est tout nouveau, c’est excitant. J’avance lentement. Un peu sur mes gardes. Je mets mon p’tit cœur dans un emballage de papier bulle just in case, t’sais. Je le cache à tout le monde. Ce n’est pas que j’aie honte de lui! Mais j’ai peur de me faire juger, qu’on trouve que c’est trop tôt, que je vais trop vite. Comme une adolescente, je mens aux gens que j’aime pour expliquer pourquoi je ne peux pas aller souper avec eux ou pourquoi je ne réponds pas au téléphone. C’est comme doux-amer le fait qu’après des mois de carence affective, un homme me remarque, me dise que je suis belle, qu’il a envie de moi, et que je me sente obligée de me cacher.
J’ai de la difficulté à comprendre que mes amis, ma famille, ne remarquent pas mon p’tit sourire niais, le p’tit éclat dans mon œil, ma démarche plus légère. Il me semble qu’ils devraient voir que j’ai l’air bien! Mais je fais attention, j’essaye d’être discrète. Parce que je ne veux pas avoir l’air de la sans cœur qui s’en est remise trop vite, avoir l’air de la fille qui s’en fout.
Parce que justement, c’est tellement loin de la réalité! Je suis la fille qui s’en fait tout le temps : la fille qui n’arrive jamais à être zen! Celle qui stresse avec tout, qui s’inquiète. Sauf que lui, il arrive à me faire oublier juste un peu que ma vie a foutu le camp, que plus rien ne sera pareil, que je m’ennuie à mourir de mon enfant, que l’avenir est effrayant. C’est une belle qualité ça, il me semble!
Un jour là, je vais arrêter d’avoir peur, arrêter de me préoccuper de ce que les gens vont dire. Ce jour-là, je serai enfin une adulte. En attendant, je vais jouer à l’adolescente délinquante encore juste un peu! Ce n’est quand même pas complètement désagréable.