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86 400 secondes

Josiane Stratis
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86 400 secondes
Crédit: goian/Unsplash
86 400 secondes. C’est le nombre de secondes que contient une journée. Une pensée peut nous traverser l’esprit hypothétiquement 86 400 fois dans une journée.
 
Entre mon travail et la garderie, je compte habituellement 15 minutes d’un bout à l’autre. 900 secondes. 900 pensées hypothétiques qui peuvent me traverser l’esprit.
 
Je suis une personne peureuse. J’ai vraiment peur pour moi, ma famille, pour la famille de ma sœur jumelle. Je peux l’appeler pour lui demander si son chat est rentré à la maison le soir si j’ai un stress. J’ai aussi un travail prenant, mon chum aussi. Des journées en dents de scie pas mal plus souvent que des petites journées tranquilles.
 
Je suis une personne distraite. Des fois, quand je parle, j’oublie en deux secondes si j’ai pensé à dire quelque chose ou si je l’ai dit pour vrai. C’est un running gag au bureau et avec mes amies. 60 secondes dans une minute, 60 pensées qui peuvent déranger le quotidien, qui peuvent faire que j’oublie par où je suis passée pour aller à la maison le soir quand je suis fatiguée. Qui fait que j’oublie toujours des trucs importants à la maison. J’oublie de barrer la porte, de fermer la fenêtre de ma voiture. Combien de fois j’oublie de fermer le four quand je cuisine, je sais plus tellement ça arrive souvent!
 
Je suis une personne empathique. Je peux facilement me mettre dans la peau d’une autre personne. Ce qui s’est passé à St-Jérôme est excessivement triste. Je ne peux même pas croire qu’une personne aura à vivre le reste de sa vie, passer 86 400 secondes par jour avec la pensée que son enfant est mort dans sa voiture parce qu’il l’a possiblement oublié dedans (comme rien n’est confirmé, on ne peut pas supposer des affaires). J’ai de la peine à m’imaginer la souffrance de cette famille-là qui a perdu un enfant d’une si triste façon. J’ai de la peine d’imaginer le fardeau de la honte qui pèsera sur les épaules de l’homme.
 
En lisant ce long papier, gagnante d’un Pulitzer en 2010, ce matin, j’avais la gorge serrée, avec mon fils sur moi et je pleurais. Je pleurais la souffrance de perdre un enfant et de savoir qu’on est responsable de cette mort. Je pleurais les jugements des autres et les énormités racontées sur le Web à propos des parents. J’avais envie de rentrer mon gars dans ma bedaine et de le porter pour le reste de la vie. De l’installer là, près de moi.
 
En ce moment, on se demande c’est quoi les « aurait dont dû ». Le CPE aurait dont dû appeler les parents, le père aurait dont dû vérifier. La mère aurait dont dû appeler son chum. Les voitures devraient avoir un signal de passager pour éviter ce genre de drame. Il aurait dont dû y penser. Comment on peut oublier son enfant. Mais comme le raconte le texte, personne n’est à l’abri du trou de fromage dans son cerveau. C’est ce qui est plate avec le cerveau humain.
 
86 400 secondes. 86 400 occasions de faire une erreur. 86 400 façons de gâcher sa vie et celle d’une autre personne. 86 400 fois à penser à ce petit bout d’humain parti trop tôt. 86 400 façons d’essayer de trouver des solutions en tant que parents pour ne plus que ça ne se reproduise jamais. C’est une vie de trop qui est partie mercredi.
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