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Ma complainte de la serveuse aux tomates
Crédit: David Camerer/Flickr

 

C’est le temps des tomates! Demain, comme à chaque année, j’empote des tomates avec ma mère. 50 lbs de tomates en tout. 50 pots Masson. Nous faisons des réserves pour l’année. 

Carolane a récemment publié sur TPL un petit guide pour bien organiser l’opération cannage. Parce que, oui, le cannage, ça demande de la préparation et surtout du temps et, nous le savons, dans la vie de parent, on doit courir, se dépêcher, être toujours productif, efficace à tout prix, aller droit au but, sans prendre de détour. Je suis tellement essoufflée parfois. 

The attack of the killer tomatoes

Crédit : The Attack of the Killer Tomatoes/Giphy
« J’suis rien qu’une serveuse automate 
Ça m’laisse tout mon temps pour rêver 
Même quand j’tiens plus d’bout sur mes pattes 
J’suis toujours prête à m’envoler. »

Le chemin rapide et efficace serait d’aller acheter des conserves déjà toutes prêtes à l’épicerie. Pourquoi se casser la tête ainsi?

Parce que, quand je fais des tomates, j’ai un peu l’impression d’arrêter le temps, de le contrôler même, de faire comme mes matantes, ma mère, ma grand-mère, mon arrière-grand-mère et mon arrière-arrière-grand-mère. Le temps n’existe plus. Quand j’empote des tomates, des cornichons, du ketchup aux fruits, des confitures, des herbes salées, je reproduis les mêmes gestes qu’elles, nous devenons la même femme.

Sound of music

Crédit : The Sound of Music/Giphy
 
Ça sent les tomates dans la maison, et le vinaigre qui me pique le nez. Ça sent les fraises, les confitures. J’ai 8 ans.

Je me souviens quand nous partions (ma grand-mère, mes tantes Céline, Francine, Martine, Ursule, Nicole et ma cousine Marie-Ève) cueillir des p’tites fraises des champs. Ma cousine et moi, nous les mangions au fur et à mesure pendant que mes tantes se râpaient les genoux dans le champs, su’l bord d’la route de nowhere. Nous riions, nous placotions, nous nous tappions sur les nerfs aussi un peu, mais ce n’était pas important, nous étions ensemble, on a mission. Je me souviens aussi que ma tante Francine disait de respirer fort l’odeur du fumier, comme ça nous ne serions pas malades cet hiver. Encore aujourd’hui, je redis la même phrase à mes enfants quand les cultivateurs viennent d’étendre et que ça pue dans l’auto entre Montréal-Québec.

« Un jour vous verrez 
La serveuse automate 
S’en aller 
Cultiver ses tomates 
Au soleil »
 
Quand j’étais jeune, genre 15-16 ans, j’trippais ben gros sur l’opéra-rock Starmania. C’est même écrit dans mon album de finissants : mon rêve était de « cultiver des tomates au Soleil ». Une métaphore, une belle image pour dire que, dans le fond, je rêvais juste de trouver ma voie dans la vie. Ha! Aujourd’hui, ça me fait plutôt rire. Encore à mon âge, avec tout mon bagage de vie, mes expériences, ma carrière, mes trois enfants, je me demande encore qu’est ce que je devrais faire de ma vie, si j’ai pris la bonne route. Peut-être que oui, finalement. Mais s’il y avait autre chose? Ça a l’air d’une crise existentielle perpétuelle, mon affaire.
« Qu’est-ce que j’vais faire aujourd’hui? 
Qu’est-ce que j’vais faire demain? 
C’est c’que j’me dis tous les matins 
Qu’est-ce que je vais faire de ma vie? 
Moi j’ai envie de rien 
J’ai juste envie d’être bien »
Je retourne travailler dans quelques jours. Je vais rembarquer dans la roue qui tourne et ne s’arrête plus, est-ce que je pourrai le faire encore? Est-ce que j’aurai encore de la patience? Est-ce que j’aurai le temps de reprendre mon souffle parfois, au moins pendant le temps des tomates?
« J’veux pas travailler 
Juste pour travailler 
Pour gagner ma vie 
Comme on dit 
J’voudrais seulement faire 
Quelque chose que j’aime 
J’sais pas c’que j’aime 
C’est mon problème »
(La complainte de la serveuse automate, Starmania, Plamondon et Berger, 1978)

Merci à vous, les femmes de ma vie, de m’avoir transmis cette belle tradition culinaire que j’espère transmettre à mes enfants à mon tour. Cuisiner trad, ça donne un sens à la vie, tout simplement. C’est un antidépresseur, un anti-anxiogène. Je me sens groundée, en lien direct avec l’univers, rien de moins.

Avez-vous des traditions familiales?
 
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