Je n’aurai pas d’autres enfants et je trouve ça rough. Vraiment rough. C’est bien sûr un choix, mais ça ne veut pas dire que c’est facile à accepter. Je suis en processus de deuil et je trouve qu’il n’est pas toujours exprimé. Je n’ose jamais en parler, parce que j’ai peur. Peur du regard des autres, peur de leurs commentaires. L’incompréhension que je pourrais lire dans leurs yeux. Remarque que je les comprends. Comment peut-on être en deuil de maternité quand on l’a vécue et qu’on a deux beaux enfants pour le prouver?
Plusieurs personnes, pour bien faire, y vont de leurs phrases bienveillantes, mais qui ne réconfortent pas vraiment.
« Compte-toi chanceuse, tu en as déjà deux et ils sont en bonne santé. »
« Tu as un gars et une fille, que demander de plus? »
« Pense à ceux qui n’en ont pas et qui aimeraient être à ta place. »
Quand on se compare, on ne se console pas nécessairement. Quand on a une peine, peu importe ce que les autres vivent, cela n’enlève rien à notre douleur. J’ai pas envie de comparer ma peine. Tout ce que je sais, c’est que ça déchire en dedans de savoir que je ne verrai plus mon bedon grossir à mesure que la vie prend sa place en moi.
Je croise des bedaines porteuses de vie et j’ai un gros pincement au cœur. Une jalousie insidieuse s’installe en moi, malgré moi. Je les envie parce que je ne me suis jamais sentie aussi femme que lorsque j’étais enceinte. Mon corps changeait. J’avais des courbes de femme. Je me sentais sexy. Ce sentiment de pouvoir qui nous habite parce que l’on fabrique, pendant 9 mois, un être humain, y’a rien de plus puissant que ça.
En fait oui. Accoucher. Être dans l’attente de rencontrer l’amour de sa vie. Le blind date parfait parce que, peu importe l’issue, je savais que l’amour inconditionnel serait au rendez-vous. Se sentir invincible, malgré cette fulgurante douleur qui me déchire le corps. Rien ne peut décrire la souffrance que l’on vit quand on met un enfant au monde.
Ça a été l’une des plus belles expériences de ma vie, et ça va me manquer. Le moment où mon dernier cri de douleur s’est mêlé au premier cri de mon enfant. C’est si intense. Quand on m’a mis ce petit être sur la peau, avec son odeur de moi, de nous, me chavire le cœur encore aujourd’hui. Le son de ma voix qui le calme doucement, de cette arrivée soudaine dans ce monde qui sera sien.
Tout me manque. La douceur et l’odeur de sa peau toute neuve. Son souffle court dans mon cou quand il s’endort, repu. Sa petite main qui s’accroche à mon sein et cet échange de regards quand il boit mon lait chaud. Ses pleurs que seule mon odeur et ma voix peuvent calmer.
Ça va me manquer.
Ça me manque.
Ça me manquera probablement toujours.
J’ai deux magnifiques enfants qui témoignent de ma maternité. Je les vois grandir chaque jour, un peu trop vite. Trop vite parce qu’ils me rappellent que chaque instant compte. Que j’aurai, chaque jour, à vivre un deuil de ces moments qui ne reviendront pas, parce que je n’aurai plus d’enfant.