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Orphelins et mal-aimés : ces destins terribles
Crédit: unsplash/pixabay

Dernièrement, j’ai regardé le documentaire : « États-Unis, enfants jetables ».  Un documentaire-choc sur le revers de l’adoption aux États-Unis. Où des parents cherchent à se débarrasser d’enfants qu’ils ont adoptés en plaçant, entre autres, des petites annonces sur Internet, et ce, impunément. J’ai eu mal, j’ai eu très mal. Car pour moi ces enfants ont un visage que je connais. Celui de mon amie, de ma presque sœur, qui a vécu une histoire similaire, ici au Québec.
 
Elle m’a permis de raconter son histoire sous le couvert de l’anonymat. Pourtant son histoire, son injustice, je veux depuis longtemps la crier sur tous les toits. Mais pas elle, elle n’en est pas prête. J’ai parfois l’impression qu’elle se sent coupable, qu’elle se dit qu’elle a une part de faute ou pire : qu’elle était difficile à aimer. Mais sa seule faute est en fait qu’elle est née à une époque où l’on préfère jeter plutôt que de réparer. Elle était brisée, elle a été jetée. Je pleure en écrivant ces lignes. J’ai peine à endurer l’idée de ce qu’elle a pu traverser. Je la connais, je l’aime, elle ne méritait pas ça. Aucun enfant ne le mérite d’ailleurs.
 
Elle est née dans un pays sous-développé, 8e enfant d’une mère de la rue. Son père adoptif, en voyage dans le pays, a rencontré sa mère biologique et a convenu avec cette dernière d’adopter sa fille. C’est  seulement à la suite de cette rencontre que la maman biologique a placé sa fille (mon amie) à l’orphelinat, convaincue qu’elle serait aimée et promise à un brillant futur. Elle est donc restée à l’orphelinat de ses 18 mois à ses 2 ans environ.  Elle était la favorite, la mieux nourrie, la plus choyée.
 
À 2 ans, elle prend le chemin du Québec. Dans une famille avec un grand frère et deux parents. Des gens intelligents, des professionnels, des gens qui, on aurait cru, comprennent les enjeux. Mais ils sont déstabilisés par les besoins, l’agitation, la douleur des séparations. Ils appréhendent un futur trop ardu et baissent les bras.
 
À 4 ans, elle vit donc déjà son troisième abandon (le premier étant sa mère puis l’orphelinat) l’image de son père adoptif qui la regarde partir par la fenêtre en pleurant est gravée dans sa mémoire.
 
Elle est donc adoptée une deuxième fois via les centres jeunesse. Sa deuxième famille vivait déjà plusieurs difficultés avant son arrivée. Composée de plusieurs enfants adoptés il y a déjà, au sein de la famille, un clivage entre les enfants aimés et les enfants tolérés, voire pris en grippe. En intégrant la famille, elle joint malheureusement le deuxième clan : celui des mal-aimés. Ses blessures et son TDAH non diagnostiqué font d’elle une enfant sur laquelle la mère se permet de perdre patience. Elle vit de la violence psychologique et physique. Un jour, à 8 ans, mon amie se fâche et contre-attaque. Elle est par la suite confiée définitivement au centre jeunesse, mais devra porter leur nom et leurs souvenirs encore aujourd’hui.
 
Elle passe près d’un an et demi en ressource intermédiaire et intègre au total quatre familles d’accueil différentes jusqu’à ses 18 ans.
 
Voici l’enfance de cette petite fille à qui on avait promis amour et stabilité.
 
Cette amie est le visage de la résilience, survivante de l’injustice et de l’amour conditionnel.
 
Adopter c’est beau, mais seulement lorsque l’engagement est le même que celui que nous aurions pris avec un enfant de notre sang.
 
 

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