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« C’est un sale temps pour exister. »
Crédit: Benoit Daoust/Shutterstock

C’est un sale temps pour exister.
La neige fond, y’a du gris, du brun et du béton. 
Des gens crient, d’autres crient plus fort encore, mais que pouvons-nous dire? Comme si crier suffisait à remplir le vide. Ce vide creusé à coup d’effroi, à coup de AK et de décrets armés.
 
On a depuis longtemps passé le temps des belles figures de style qui viennent mettre du beau sur le laid qu’on peut écrire. Qui viennent mettre la sourdine sur l’alarme qu’on veut sonner.
 
L’intolérance, la haine, l’islamophobie. Enough.
Levons-nous.
N’attendons pas que notre voisin le fasse avant nous. Levons-nous.
Prenons notre enfant dans nos bras. Même s’il ne comprend pas. Regardons-le. Et disons-lui que la différence, c’est ce qui rend l’intérieur d’un magasin de bonbons si irrésistible. Disons-lui qu’il peut avoir et aimer des amis aux noms qui ne sonnent pas comme Dupuis, qu’ils sont comme lui. Répétons-lui qu’on a raison. Apprenons-lui à douter de ceux qui n’ont que des réponses faciles et pas de questions.
 Après notre enfant, faisons-le avec notre conjoint. Avec notre voisin. Avec le gars du dépanneur du coin.
 
Je ne suis pas croyante. Je suis plus blanche que l’intérieur de mon pot de Penaten.
Et ce matin, j’ai honte d’être de ceux qui sont trop paresseux pour s’apercevoir qu’ils ont l’avantage des privilèges.

Amis de confession musulmane.
À vous que j’aime sans vous connaître, je vous dis que j’ai juste envie de vous serrer dans mes bras. 
A vous que je connais. Pratiquant ou pas. Croyant ou pas. D’ici ou de là-bas. Si ce matin, vous sentez que le monde se resserre sur vous, qu’il fait un peu moins jour dans votre nuit, que le sommeil ne vient pas, mais que les rêves, eux, se diluent dans l’éveil, sachez que je ne vous en voudrai pas d’être, peut-être, un peu plus méfiant la prochaine fois qu’on se croisera.
Reste que je serai férocement à vos côtés, du côté de ceux qui ont dépassé l’esprit de clocher. Et qui se battent pour les droits et libertés de chacun. Parce que je ne tiens rien pour acquis. Parce que certains oublient. Parce qu’au fond, on a juste vingt-trois paires de chromosomes aussi.

La vie de ma fille ne serait pas aussi belle et remplie sans l’aide de ces femmes fantastiques, certaines musulmanes, d’autres non, qui m’épaulent et me rassurent, qui sont mes véritables fées-marraines du quotidien.
Mon travail ne serait pas aussi inspirant s’il n’était pas guidé entre autres par un homme, musulman, certes, mais avant tout visionnaire, juste et attachant.
 
Reconnaissons qui sont les véritables semeurs de merde. Les mystificateurs. Et accusons-les. Démasquons-les.
Demandons-nous ce matin : si nous voyons une injustice, aurons-vous le courage d’intervenir? Si nous hésitons, reposons-nous la question et pensons-y bien.
Parce que le silence est complice de l’horreur, bien plus qu’il n’est synonyme de couardise.
 
Je dormirai ce soir dans les bras des Big Pharma aux actionnaires tirant profit de l’anxiété généralisée. Celle semée et cultivée par des jardiniers qui cisaillent et entaillent leurs rosiers à coup de guns ou d’ordres exécutifs outranciers.
 
C’est un sale temps pour exister.

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