Beloved est un roman de Toni Morrison, autrice nobélisée, publié en 1987. C’est aussi le roman qui traînait dans ma bibliothèque depuis si longtemps que j’ai fini par le saisir avec conviction en cette période post-fêtes.
Il traînait depuis longtemps parce que le sujet me faisait peur : l’histoire est celle d’une esclave fugitive qui tue sa fille de deux ans plutôt que de la laisser être reprise par la plantation, par l’esclavage, par l’horreur. On a fait mieux dans la catégorie feel good book, mais je sentais que c’était un roman essentiel, qu’il fallait que je m’y colle un jour.
Crédit : Rena Schild/Shutterstock
J’avais raison d’en avoir un peu peur : il se lit bien, mais ce n’est pas une lecture facile, j’ai dû m’arrêter plusieurs fois, poser le livre pour accuser le coup, puis le reprendre pour continuer. C’est une narration à la fois précise et poétique que celle de Morrison, qui se déploie pour parler d’amour, de l’amour entre toutes ces femmes qui peuplent le roman : l’amour de Sethe, personnage principal, pour sa belle-mère, qui prend soin d’elle ; son embryon d’amour pour sa mère, qu’elle ne connaît que brièvement, puisque celle-ci n’a pas le droit de s’en occuper plus que quelques semaines ; son amour immense, indéfectible, incroyable pour ses enfants, pour sa fille, surtout. Les personnages sont denses, complexes, profonds. L’intrigue captive, oscillant entre le passé des personnages sur la plantation et leur présent, qui reste difficile et peuplé par les ombres du Ku Klux Klan toujours prêtes à lyncher.
Sethe est hantée de plusieurs façons que je vous laisse découvrir. C’est l’amour de sa fille vivante, rescapée du désespoir meurtrier de sa mère, qui l’empêchera de sombrer. Beloved est l’un de ces grands romans américains qu’on ne lit probablement pas assez, mais que je vous recommande ardemment.