Je n’aime pas le mois de février. Je n’en peux habituellement plus du froid glacial et des tempêtes de neige. Bien que ce soit le mois le plus court de l’année, il m’apparaît toujours comme le plus long. Je commence à l’appréhender dès le jour de l’An en sachant qu’il apporte son lot d’émotions.
Mon minuscule neveu est mort le 27 février 2010, 10 jours après sa naissance, à presque 27 semaines. Éloi est né extrêmement prématuré et a souffert de presque toutes les complications que cela peut impliquer. La médecine peut réaliser de grandes choses, mais parfois les miracles n’arrivent pas.
La journée de son décès demeure tatouée sur mon cœur et inscrite à jamais dans mon esprit. Je me souviens du médecin qui est venu informer ma sœur et son chum, les yeux pleins d’eau, qu’ils ne recommandaient pas un acharnement prolongé. Je me souviens de ce moment, si beau et si triste à la fois, où ma sœur et son amoureux ont finalement pu prendre leur fils pour la première fois. Je me souviens d’avoir effleuré sa petite peau encore duveteuse et son abondante chevelure pour un mini comme lui. Nous aurions tous voulu que ce moment reste figé, mais les heures ont passé et Éloi s’essoufflait. Ses petits poumons avaient du mal à tenir le coup. Nous lui avons dit au revoir, un après l’autre, les grands-parents, les tantes, les amis, en sachant que c’était le plus cruel et le plus douloureux de tous les adieux.
Je ne me rappelle plus combien de temps nous sommes restés dans la salle prévue pour les proches à attendre. Attendre la fin de sa souffrance, à redouter le moment où ma sœur et son conjoint sortiraient de cette pièce, laissant derrière eux, pour toujours, leur petit garçon qu’ils avaient à peine eu la chance de rencontrer.
Je ne sais plus non plus quelle heure il était lorsque ma sœur et mon beau-frère sont sortis de la chambre pour finalement nous présenter leur petit garçon, sans tous les fils qui le maintenaient en vie depuis les 10 derniers jours. C’était irréel. Il devait être encore au chaud dans le ventre de ma sœur, pas inanimé dans leurs bras.
Et puis, c’était fini. On est reparti chacun chez soi, abattus et impuissants. J’ai fait du mieux que j’ai pu pour épauler mon beau-frère et ma sœur dans leur douleur. J’ai tenté d’expliquer aux gens que mon neveu était mort et que ma sœur n’avait pas fait une fausse couche qui, soit dit en passant, peut-être tout aussi horrible et douloureuse. J’ai tenté de comprendre moi-même ma peine. J’apprends à vivre avec les cicatrices que son départ a laissées dans nos vies. Je regarde mes enfants jouer avec mes trois autres neveux et je me dis qu’il manque le grand cousin pour bosser les autres.
J’écoute encore avec le cœur serré Le fantôme blanc, la belle berceuse de Passe-Partout que ma sœur chantait à Éloi. Je la fais jouer tous les 17 février, jour de sa fête, en famille ou seule, et je souris ou je pleure en pensant au fantôme sur la lune. Ça fait sept ans que ce beau garçon nous a quittés et je suis encore émue par tout ce qu’il a réussi à faire en si peu de temps.