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Réponse au ministre Proulx : laissons les enfants être des enfants
Crédit: Pexel/Pixabay

Depuis quelques jours, on parle beaucoup dans les médias de ce nouveau cadre de référence destiné aux CPE en ce qui a trait aux jeux de bataille. En gros, on affirme qu’en laissant aux enfants toute la liberté dans le choix de leurs jeux, on favorise leur intégration. Un enfant qui a envie de jouer à la guerre, au super-héros ou à se battre contre des monstres imaginaires doit pouvoir le faire.
 
Je suis en accord avec cette approche. Chez nous, on joue souvent à se battre contre des loups (ennemis imaginaires favoris de ma fille). À l’extérieur, des branches trouvées ici et là se transforment souvent en épées. De plus, j’essaie du mieux que je peux de m’éloigner d’une approche « zéro risque », en encourageant mes enfants à tenter des actions difficiles qui représentent un certain « danger » (sueurs froides et grande fierté à chaque fois que ma fille grimpe dans les modules de jeux vertigineux du parc près de chez nous).

Toutefois, quand j’ai entendu parler dans les médias de la recommandation d’accueillir positivement les jeux de bataille dans les CPE, le poil m’a levé sur les bras. C’est que ce cadre d’intervention se veut une réponse aux problèmes d’intégration des garçons seulement. Et dans le traitement médiatique de l’affaire, on finit très souvent par lier l’identité des garçons à une envie (qu’on prétend être innée) de jouer à se battre. La plus édifiante déclaration en la matière a été celle de notre ministre de l’éducation, qui a affirmé sans gêne qu’il est « très à l’aise avec cette vérité qu’il faut laisser les garçons être des garçons ».
 
Que sous-entend cette déclaration? Qu’il y a une vérité qui dit qu’il faut laisser les garçons être fidèles à ce qu’ils sont, et voilà ce qu’ils sont : ils veulent se bagarrer. Ce qui me dérange ici, c’est qu’on affirme qu’il existe une vérité sur l’identité des garçons. Qu’être un garçon, c’est nécessairement aimer se battre, aimer la compétition. Et que jusqu’à maintenant, l’approche pacifiste (appelons-la comme ça) adoptée par certaines éducatrices empêche les garçons d’être des garçons, c’est-à-dire qu’elles nuisent à la construction de leur identité masculine.
 
Évidemment, les enfants ont besoin de bouger, de courir, de crier, de dépenser leur énergie. La construction sociale des genres associe la plupart du temps ces comportements à l’identité masculine : les garçons sont supposés être plus doués pour jouer au ballon que pour jouer à la poupée, ils sont censés être plus « physiques » que les filles. Mais pourquoi? Et si c’était nos attentes en ce qui a trait au genre masculin qui construisaient ces comportements? Pour le dire autrement : et si c’était parce qu’on n’arrête pas de dire aux garçons qu’ils doivent aimer jouer à la bataille pour être de vrais garçons qu’ils finissent par aimer jouer à la bataille?
 
Je n’ai rien contre le fait de jouer à se bagarrer, mais j’ai quelque chose contre le fait qu’on dise à nos fils d’agir de telle ou telle manière pour être des « vrais gars ». J’ai quelque chose contre le fait que les discours médiatiques construisent, avec tous leurs sous-entendus sur les vérités de l’identité masculine, des modèles fermés et restrictifs pour nos garçons (et les garçons qui n’aiment pas se battre? Et ceux qui préfèrent les livres, la cuisine, les princesses? Les laisse-t-on être les garçons qu’ils sont?). J’ai quelque chose contre le fait qu’on ne laisse pas les enfants explorer librement, par-delà les attentes genrées, leurs goûts et leurs préférences en matière de jeux et de comportements.
 
Plutôt que d’insister pour que nos garçons soient des garçons, et que nos filles soient des filles, laissons donc les enfants être des enfants. Non?

 

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