Il y a maintenant deux ans que je suis une « maman courage », comme on nous appelle. Comment ai-je fait pour obtenir ce titre si glorieux? Eh bien, rien.
Un jour, j’ai emmené le p’tit dernier de mes loulous chez le pédiatre pour sa visite des dix-huit mois, et ce rendez-vous était l’introduction à la nouvelle vie qui nous attendait. Ce jour-là, pour la première fois, l’autisme a été évoqué.
Certes, depuis sa naissance, ce p’tit bouchon me semblait particulier, mais de là à penser à l’autisme, ou tout autre handicap, comme on l’appelle, jamais ça ne m’avait effleuré l’esprit. Enfin, à vrai dire, j’y ai pensé une fois lorsque j’ai vu mon p’tit gars se claquer les oreilles, mais comme il ne se balançait pas le regard dans le vide, j’avais conclu à une gêne auditive.
Il est vrai que depuis la maternité, l’instant théoriquement magique du bain avait toujours été un cauchemar, il hurlait et devenait rouge cramoisi. Il est vrai aussi qu’à environ six mois, je l’ai retrouvé debout, en train de s’échapper de son transat où il était attaché, encore une fois rouge écarlate de colère (j’avais même pris une photo tellement il m’avait fait rire). Tout comme il est vrai qu’il dormait très mal, qu’il fallait le bercer des heures durant, mais comme je l’allaitais, je pensais que mon lait n’était pas assez nourrissant. Il est vrai aussi qu’à deux ans, il ne parlait pas, mais bon, je le pensais juste un peu feignant…
Bref, à chaque bizarrerie, je trouvais une explication, ou mon entourage (oui oui à cette époque j’en avais encore un) s’en chargeait. Alors quand la pédiatre a confirmé son autisme six mois après, lors de sa visite des deux ans, j’ai encaissé sans rechigner sur le moment, car ce jour-là, deux de mes filles étaient présentes dans le cabinet pour leurs vaccins, mais le soir, je me suis effondrée…
Culpabilité, incompréhension, peur, désarroi, impuissance, sentiment d’injustice, colère… tout m’est tombé dessus telle une douche froide. D’autant plus qu’on vous annonce ça et que l’on ne vous en dit pas plus, ah, si : « merci et au revoir ». La pédiatre m’a juste conseillé une crèche adaptée et un bilan au CAMSP (Centre d’Action Médico-Sociale Précoce).
À cette période, j’étais déjà en froid avec ma famille (ils nous avaient envoyé les services sociaux, en cadeau de Noël, car ils trouvaient que je m’occupais un peu trop du p’tit dernier, au détriment de mes aînés, tiens…), alors quand je leur ai annoncé la nouvelle, au lieu qu’ils comprennent enfin pourquoi j’étais autant attentive à mon dernier enfant, je n’ai eu droit qu’à des reproches et depuis, je n’ai plus aucun signe de vie, je suis devenue comme orpheline.
Même si j’ai eu mal au début, je me suis rendu compte avec le temps que cet abandon était vraiment l’une des meilleures choses que l’autisme m’ait apportées. Depuis, je revis, je me sens libre, épanouie, ce qui peut sembler paradoxal alors que j’ai un enfant différent, mais ce n’est pas cette différence qui définit ma vie. Elle en fait partie.
Je ne peux cependant pas nier que ce mot de sept lettres, « Autisme », m’a totalement métamorphosée, mais aussi étrange que cela paraisse, il m’a été bénéfique aussi.