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Nos relations imaginaires
Crédit: Rawpixel.com/Shutterstock

J’aimerais ça, mon grand, t’éviter ces déceptions. Celles qui ne te concernent pas. Les déceptions qui s’empilent, s’accumulent. Te protéger de l’égocentrisme d’autrui. Te dire que c’est pas bien grave parce qu’on a ça, nous autres. Et c’est ce qui compte le plus au monde. Le plus.

J’aimerais savoir quoi te dire quand tu me demandes pourquoi tu ne les vois pas si souvent que ça. Quand tu me demandes quand tu pourras leur rendre visite. J’aimerais ça, qu’ils soient dans ta vie. De leur plein gré. Avec fougue et initiatives pour te voir sourire et grandir chaque jour qui passe. Je rêvais peut-être en secret que tu deviennes le centre de leur univers.
 
Mais je me rends compte que c’est beaucoup demander. Beaucoup trop.
Même pour ma vie. En général et en particulier. Tout ça en même temps. Ils n’ont pas vraiment fait partie de la mienne. Cette vie. Un peu comme des figurants.
Malgré la volonté que ça prend d’être parents, malgré les sacrifices qu’ils ont faits, choisis ou pas. Malgré les chances qu’ils n’ont pas eues.

Pourtant, j’ai l’impression d’avoir essayé. Fort. Souvent. Mais on ne se comprend pas. On s’entend, mais on ne s’écoute pas. Les blessures, le temps qui passe, les « j’aimerais ça que… », les attentes qui me prennent au piège.

J’aimerais ça, te dire que je prévois des visites. Mais ils annulent deux semaines d’avance sous une montagne de prétextes. J’aimerais te dire que ça ne te concerne pas tout ça, mais je sais que c’est toi qui en paies le prix. 
J’aimerais ça, que tu ne représentes pas une charge dans le changement de leur routine. 

Un effort. 

J’aimerais ça, qu’ils s’ouvrent à toi, qu’ils ne soient pas qu’un décor dans ton parcours. 
Et que ça arrête de me blesser autant.
J’aimerais ça, ne plus voir la déception dans tes yeux quand, en forçant un sourire, je t’annonce que finalement, les plans ont changé. Ne pas avoir à porter cette responsabilité. Ne plus l’accepter. J’aimerais ça, que ça soit simple pour toi, la relation avec tes grands-parents. 

J’y croyais. 

Je voulais croire que ce serait enfin l’occasion pour eux de s’impliquer activement dans vos vies à ton frère et toi. 
De se reprendre un peu. Pour eux. Pour toi. 
Pas pour moi.
 
Je me suis trompée. Je ne vais plus essayer. Ça fait au moins 20 fois que je me dis cela depuis ta naissance, il y a presque 7 ans maintenant. Mais je nourris toujours le monstre des attentes de la petite fille en moi.

Ils ne savent pas ce que tu préfères, ce qui te met en colère. Ce que tu désires pour ton anniversaire, tes rêves, si nombreux. Tes matières favorites en 1ère année, ce qui te rend anxieux ou fébrile. Tes réussites. Tes échecs. Ta sensibilité. Ton courage. Ta générosité.

Plus tard, je serai peut-être en mesure de t’expliquer sans interposer mon histoire. Plus tard, j’aurai peut-être trouvé le moyen de contrôler cette déception. Ce désir de rejeter. Ce désir de me protéger.
D’ici là, je m’engage à vous aimer plus fort. Pour vaincre tout le reste.
 

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