Ça y est.
Je ne sentirai plus jamais l’odeur d’un bébé exclusivement allaité. Du moins, d’un bébé qui est mien.
Cette odeur douce et sucrée. Cet effluve lacté rempli d’unicité.
J’ai envie de pleurer, rien qu’à y penser.
C’est la faute de la purée et des céréales. C’est le cheminement normal.
Mais ça fait mal.
J’admets respirer l’haleine de chacun de mes bébés naissants, et ça m’emplit de tendresse enfant après enfant. Semble que ce soit hormonal et instinctif. Apparemment, c’est naturel de « tomber en amour » avec la wiff de bouche de notre nourrisson, question que nos cœurs battent à l’unisson.
S’il y a une chose que la pandémie nous aura apprise, entre autres, c’est le pouvoir de l’olfaction.
L’anosmie est un crime sensoriel.
Une fois privé de ce pouvoir naturel, jamais plus on ne le prend pour acquis.
Désormais rétablie, je respire à pleins poumons la lessive de mes mignons. Je me bourre les narines de leur odeur bien à eux. Je me façonne des petites boîtes avec leurs vêtements trop petits, espérant préserver leur parfum infantile ad vitam aeternam.
Croyez-le ou non, c’est une façon de nourrir ma piètre mémoire.
Surtout, je me saoule, soir après soir, de l’arôme de leur chevelure. Doux baiser sur le front, question d’être aux loges de leurs émanations. Bonne nuit mes trésors! Je vous fais mes éloges, petits êtres à la fragrance exquise !
C’est drôle comment le cerveau chemine.
Nous sommes venus à la conclusion que trois enfants, c’est assez pour nous.
Enfin, j’essaie toujours de me convaincre que si.
Je cherche (encore) partiellement consciemment des éléments concrets qui certifieraient la fin de ma maternité. Une quelconque révélation qui ferait que ma tête et mon corps s’entendraient enfin sur la finalité de mon mode reproduction.
Et cette fois, avec l’apport des aliments au menu de notre toute dernière, j’ai reçu une véritable gifle de réalisme.
Ou devrais-je dire de dualisme ?
Bizarrement, la première bouchée de céréales, donnée hier, m’a rendue encore plus confuse. Je suis à la fois en deuil et à la fois en quête d’extension nouvelle de mon mandat maternel.
Tout ça, parce que mon nez m’a rappelé que bébé trois ne sentira plus jamais le petit lait maternel.
Maintenant que les solides ont été intégrés à son déjeuner, ses couches, jamais plus, ne seront les mêmes.
« There is no coming back » aux purées de patates.
Quand tu commences, tu y vas à fond !
J’ai beau continuer de l’allaiter, il n’y aura plus jamais exclusivité. Elle évolue, tout doucement, vers le statut de grand bébé.
Jamais plus, elle ne sera un poupon de lait.
Je suis remplie de la nostalgie de la maternité, à travers ce grand pas alimentaire.
Et d’ambivalence, face à ma vie de maman.
Sera-t-elle ma dernière?
Aussi bien y aller au pif!