Pour la fête des Mères, j’offre à ma belle-mère… Rien. Rien de rien. Rien. Comme dans « un petit rien tout nu ». Emballé entre deux massives couches d’azote et d’oxygène. Sous-entendre : du vent.
Non pas que je le veuille ainsi, même si officiellement, ça allège ma charge mentale. Ça me rend toutefois très très très inconfortable. Ma nature est ainsi faite: j’offre amour, gratitude et cadeaux à foison. Je garde peu. Je redonne. Et c’est ainsi que je fonctionne. Une part de mon être se valorise par l’offrande.
Or, belle-maman flirte avec le minimalisme. Sans l’admettre, elle rejette catégoriquement tout ce qui lui est destiné, vieux ou neuf, bien intentionné et pourtant offert avec reconnaissance et affection.
Elle me retourne chacun de mes cadeaux, et ce, depuis bientôt vingt ans. J’ai déjà offert des fleurs. Elles se sont retrouvées chez moi, quelques jours plus tard. J’ai déjà offert des gourmandises, pour les voir à leur tour rebondir à la maison, quelques semaines plus tard. J’ai déjà offert des billets de spectacle, pour ensuite constater un remboursement sur mon compte de crédit, suite à son initiative d’annuler le tout.
Non pas que je manque de goût. Belle-maman possède simplement un rigoureux bouclier anti-présents. Rebondissent alors toutes mes tentatives et démarches de démonstration d’appréciation.
Au début, née de parents ultras généreux et reconnaissants, j’y voyais une marque de rejet. Un symbole de « brue-go-away ». J’en pleurais, à chaque festivité. Parce que l’amour et le temps pris à concocter, emballer ou prévoir une forme de reconnaissance sont précieux, à mes yeux. Parce que piétiner mes offrandes, c’est un peu comme déchirer le dessin fraîchement et fièrement fait de son enfant.
La créativité, l’aide de mon mari et le temps ne seront pas venus à bout de lui trouver quoi que ce soit qui ne puisse être retourné ou refusé.
J’ai cheminé.
Mon plaisir d’offrir se doit d’être jumelé au plaisir de voir l’autre recevoir. Et puisqu’elle n’y trouve que du déplaisir, je me contente désormais de mots et de cartes de souhaits à son intention. Belle-maman ne peut pas retourner mes compliments au magasin. Elle ne peut pas non plus me les refiler comme un vulgaire rhume. Certes, mes cartes aboutiront au recyclage. Mais, j’ose espérer, mes paroles se tailleront une petite place dans sa tête et son cœur et réchaufferont le mien au passage.
Alors pour la fête des Mères, j’offre à ma belle-mère: rien… qui puisse être tangible.
Que des mots bien sentis. Écrits à l’encre de mon coeur de mère.