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Ma petite histoire avec un ex-alcoolique
Crédit: Brooke Cagle/Unsplash

Je déteste les clichés et les tabous davantage. Donc à livre ouvert (mais sous l’anonymat par respect pour mon chum), je vous livre ces quelques lignes sur ma petite histoire avec un ex-alcoolique. Pour briser les stéréotypes, et parce qu’après deux ans, il est toujours sobre, et vient de conclure son processus de réhabilitation avec la justice. Mais surtout parce que notre histoire en est une d’espoir…

Un alcoolique n’est pas nécessairement violent

Quand on vous parle d’un alcoolique, avouez que vous avez cette image de gars violent qui perd les pédales en revenant du bar. Qui lève la main, malgré lui, dans un élan de désespoir après s’être bourré complètement. Vous pouvez vous enlever cette image de la tête immédiatement. Ce n’est pas ce genre d’histoire que vous lirez ici. Si je vous disais que ça m’aura pris 6 ans pour réaliser que mon homme était alcoolique. Naïve, vous direz! Pas tout à fait simple comme ça. Bien que mon conjoint levait le coude en public lors de soirées entre ami.e.s ou en amoureux, il tenait tellement bien l’alcool que c’était difficile pour moi de réaliser que sa consommation était anormale et incontrôlée.

Et, ajoutez à cela que le vrai problème se trouvait quand je n’étais pas là. Il buvait seul, dans le secret. Il cachait ses bouteilles et je ne voyais pas passer les factures. Comme il tenait si bien l’alcool, son comportement répréhensible était tout en subtilité. Loin de nous l’image du conjoint violent. Il n’aurait jamais levé le petit doigt sur moi ou sur nos enfants. Mais sans aucun doute, sa relation avec l’alcool était malsaine. Il buvait pour se désennuyer, pour combler le vide, pour masquer son anxiété et puis finalement parce qu’il ne savait pas comment s’en passer. Par définition, c’était un alcoolique.

Là où j’aurais pu avoir des doutes, c’est qu’il dormait tout le temps et au mauvais moment. Il avait des problèmes de digestion fréquents et il avait un sommeil agité et non réparateur. Il me laissait tomber dans certaines sorties sociales, prétextant la fatigue, ou alors il semblait absent et fatigué lors d’autres moments. Je m’imaginais que c’était son anxiété généralisée, mais c’était l’alcool. Juste l’alcool.

La descente aux enfers

Je serai avare de détails concernant cette descente aux enfers, car ils sont peu importants. Imaginez-vous le pire tout simplement! Un long passage aux soins intensifs, celui qui m’a fait réaliser que je vivais avec un alcoolique depuis 6 ans. Suivi d’une guérison bancale, pas trop bien ficelée, parce qu’au fond, il n’avait pas encore touché le vrai fond du baril. Nous avons passé deux ans à vivre des rechutes avec mes doutes et ses démons. Puis, le vrai fond est arrivé. Pas celui que tu penses avoir atteint, mais celui qui t’a vraiment tout pris et qui te force à trois choix : tout perdre, mourir ou te relever. Un gros coup de pelle dans face. Pour lui, mais pour moi aussi. Par chance, les conséquences étaient graves, mais seulement légales. Personne n’a souffert physiquement de l’incident qui l’aura mené au fond. Il y a eu des anges gardiens qui ont empêché le pire. Mais remonter la pente, peu importe la gravité du geste commis, n’est pas chose facile. Mon conjoint avait tellement honte que ça lui aura pris des mois à recommencer à s’aimer. 

La guérison est possible

Mon conjoint n’a, non seulement, plus jamais retouché à une goutte après cet épisode difficile, mais malgré la COVID et le confinement avec nos deux jeunes enfants, les contraintes de son jugement en cours et les conséquences sur la vie du quotidien qui l’ont mené vers une semi-dépression, il n’a jamais considéré l’alcool comme une solution ni même une échappatoire. Même pas eu de tentations. Il faut croire que pour une fois, sa légendaire tête de cochon lui a servi. Il a dû comprendre comment affronter de tels défis sans avoir recours à ses vieux patterns.  Ça a certainement bardé dans notre couple pour nous reconstruire lui et moi. Lui, sur sa confiance en lui et sa gestion d’anxiété, et moi j’ai dû réapprendre à lui faire confiance et l’aider à se reconstruire sans pouvoir vraiment participer à sa guérison qui lui était propre. Mais, comme un premier de classe, il est devenu le dossier le plus simple de son agent de probation. Il a compulsivement assisté à tous les meetings A.A. qu’on lui proposait, les thérapies imposées et il a commencé à mettre toutes ses énergies à être le meilleur père qu’il peut être. Devenir un homme qu’il aime.

L’épée de Damoclès 

Les histoires qu’il m’a racontées, entendues lors de ses rencontres aux A.A., sont sans équivoques. Une rechute est possible, probable et même peut-être inévitable. Il n’aime pas cette image, mais pour moi, c’est comme une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. Tout peut basculer, n’importe quand. Il n’y a aucune certitude. Je sens quelques fois le jugement des autres, mais j’ai confiance en lui. Je sais qu’il est capable. L’homme devant moi n’est plus celui que j’ai rencontré jadis. Il n’est pas non plus celui qui est sorti de l’hôpital et qui se disait, je ne boirai plus que dans des occasions très spéciales. C’est un homme qui connait trop bien les conséquences d’une seule goutte dans son système. Qui apprécie la vie qu’il a maintenant pour ce qu’elle est : avoir la capacité de faire plus dans sa journée et profiter de sa famille et, plutôt que de se contenter de l’inactivité qui le clouait au sol et l’empêchait de vivre.

Et les proches dans tout ça

Quand il a atteint le fond, j’étais enceinte de 6 mois de notre deuxième enfant. Quelques jours après l’incident, il m’a juré que notre cadette ne verrait jamais son père boire une seule goutte d’alcool. Et deux ans plus tard, il tient encore sa promesse. Il est heureux et c’est tout ce qui compte. Aujourd’hui, j’expose cette histoire avec une certaine dose de fierté. La fierté d’être restée malgré les embûches. Le fond, je l’ai touché aussi. Je me suis demandé : à quoi bon? Est-ce que c’est toujours sécuritaire pour ma famille? Suis-je en train de me détruire et de sombrer avec lui? J’ai bien essayé, à chaque étape de cette période difficile, de me préserver, d’aller chercher le soutien et l’écoute dont j’avais besoin pour le soutenir. Certain.e.s diront que c’était de la folie. Moi je pense que je suis profondément amoureuse de cet homme et que je crois en la réhabilitation pour quelqu’un d’intelligent qui en démontre vraiment la capacité. Mais au fond, je suis juste chanceuse parce que les événements l’ont mené vers une guérison sans équivoques après seulement deux incidents dramatiques. Certain.e.s tomberont beaucoup plus souvent, verront leurs chutes avoir des conséquences beaucoup plus graves, perdront beaucoup plus d’alliés en cours de route et auront une guérison plus difficile. 

Le fait d’en parler plus souvent et plus ouvertement fera peut-être que l’alcoolisme sera moins stigmatisé et que les gens seront plus disposés à soutenir un proche dans le besoin. L’entourage des personnes alcooliques n’a pas beaucoup d’histoires sous la main pour comprendre, être guidé, être entendu.

Si vous lisez ces lignes et que vous vous reconnaissez dans mon histoire. Je vous envoie de l’amour. Ouvrez votre cœur et assurez-vous, vous aussi, d’être bien entourés. C’est à mon avis, le meilleur conseil que je peux vous donner. Gardez espoir, mais si le bateau coule, ne coulez pas avec lui! 

 

Quelques ressources pour les personnes aux prises avec un proche ayant une dépendance

Tel-aide ligne d’écoute : 514 935-1105

Drogue : aide et référence (DAR) : 514 527-2626 | Sans frais : 1 800 265-2626

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