Je n’en peux plus…
Je ne suis plus éducatrice. J’étais une passionnée. J’étais toujours là, à faire de mon mieux pour essayer de combler les besoins réels des enfants en jonglant à travers les règles « papier » provenant de tous les niveaux : programme éducatif, loi 143, règles de régie interne, santé/sécurité, normes de salubrité, etc.
Tous les jours sans exception je donnais mon 200%, même lorsque ma batterie s’épuisait à petit feu. J’étais là, à me dévouer corps et âme pour mes précieux petits trésors. Je les aimais et ils m’aimaient. Certains avaient des besoins particuliers, de grands ou petits défis, ou simplement besoin d’un accompagnement bienveillant pour se développer sainement.
Moi j’étais là et je savais comment les soutenir. Je les connaissais par cœur. Je savais parfaitement ce dont ils avaient besoin, mais j’étais incapable de le leur offrir. J’essayais pourtant. Et je culpabilisais. Mais c’était trop de choses en même temps! Trop de choses pour un seul petit humain comme moi. Ayant plus d’un tour dans mon sac, je savais comment aller chercher le soutien nécessaire. Mais ce soutien ne venait pas.
J’ai continué d’être là, jusqu’au matin où ma batterie a décidé de déclencher une grève générale illimitée : burn-out. Moi j’étais bien là. J’ai été bienveillante avec mes précieux trésors, je les ai accueillis avec le sourire, je les ai aidés à se changer au vestiaire, j’ai été empathique à leurs pleurs, je les ai aidés à se comprendre et à gérer leurs émotions, à trouver des solutions à leurs problèmes. Tout cela à travers la désinfection, la préparation de la collation et les multiples tâches connexes empilées sur mes toutes petites épaules. Et tout à coup, mon cerveau a figé. Pas un petit bogue de fatigue. Arrêt complet. Un enfant aurait pu plonger par la fenêtre du 2e étage que j’aurais été incapable d’agir. J’ai dû quitter les lieux instantanément.
Je suis toujours aussi passionnée, mais maintenant je ne suis plus là.
Je ne suis plus là, et c’est pour ça que les éducatrices se battent aujourd’hui. Pas pour moi, mais pour tous ces enfants qui ont perdu et perdront prochainement leur éducatrice.
Et je n’en peux plus d’entendre parler du salaire comme si c’était le seul élément responsable de la pénurie d’éducatrices. En effet, une hausse de salaire est grandement nécessaire, mais c’est loin d’être le seul enjeu. Quelqu’un a pensé à demander aux anciennes éducatrices ce qui les ferait revenir? Il me semble que ce serait un bon point de départ pour cesser l’exode des éducatrices, et peut-être même ramener quelques passionnées…