J’ai volontairement choisi un titre plutôt provocant : d’abord, il peut sembler accusateur pour tous les parents de mon entourage. Ensuite, il peut également sous-entendre que je n’aime pas mon enfant. Ces deux idées sont complètement fausses et j’espère que vous prendrez le temps de me lire jusqu’au bout avant de mettre le feu à la section des commentaires.
J’ai longtemps hésité à avoir des enfants : ça ne m’intéressait pas tant que ça. Puis, l’idée que j’allais passer à côté de quelque chose et que je le regretterais plus tard a fait son chemin dans ma tête. Dès lors, impossible de m’en défaire. J’avais côtoyé suffisamment de jeunes parents, à mon avis d’alors, pour avoir une bonne idée de ce que c’était : on ne dort plus, on est accaparé par eux, c’est super difficile sur le couple et l’individu, name it. Je ne réalisais pas à quel point ces concepts étaient ABSTRAITS, alors je me disais que ça ne serait pas si pire, que si tout le monde faisait un enfant, puis un autre, puis un autre, ce n’était franchement pas si difficile!
J’en veux un peu (beaucoup) à tous les tabous et au silence qui entourent la parentalité. J’en veux à la société qui presse les individus à se reproduire comme si leur valeur en dépendait et qui, lorsqu’ils avouent trouver ça difficile, les remet à leur place en disant qu’ils avaient qu’à ne pas faire d’enfants. À l’idée extrêmement poison (et pas limitée à la parentalité) qu’il faut bien paraître et ne montrer que le beau, nous isolant ainsi les uns des autres.
J’en veux un peu à tout ce qui fait que j’ai maintenant un bébé et que ça ne ressemble pas à ce que j’imaginais, parce que l’image que j’avais était complètement faussée et abstraite.
Je m’en veux aussi : je n’ai jamais pris le temps de m’asseoir avec une maman que je savais qui l’avait eue rough pour lui tirer les vers du nez et « l’obliger » à TOUT me raconter sur TOUT ce qui concerne un bébé. Pensée magique ou naïveté, j’avais dans l’idée que la femme est conçue pour enfanter et que ça serait naturel, tout ça.
C’était. Le. Plus. Gros. Mensonge. De. Mon. Existence.
Mon CORPS était peut-être conçu pour ça, j’veux dire, j’ai eu une grossesse fun et facile, j’ai récupéré rapidement de mon accouchement, j’ai pu allaiter sans complications, hourra. Toutefois, mon esprit, ma santé mentale, mes habitudes, mon égo, ma bulle, ma liiiiiiiiiibârté, toutes ces autres composantes de moi n’avaient rien imaginé de l’explosion qui les attendait.
On dirait que toutes les mamans autour de moi le vivent facilement, mais dès que je partage des bouts plus difficiles dans des articles (soit ici, ici ou ici) ou dans mes stories personnelles, je reçois toujours une pluie de messages d’amies ou de pures étrangères qui se reconnaissent et qui sont reconnaissantes de se sentir moins seules. La vulnérabilité attire la vulnérabilité… mais comme je n’avais rien à offrir avant d’être maman, je n’ai jamais eu accès à cette détresse, ces difficultés, cette humilité. Aurais-je écouté? Y aurais-je cru? Pensée magique, comme je disais plus haut, peut-être pas. Sûrement pas. J’imagine qu’on est naturellement portés à ignorer les écueils possibles lorsqu’on veut qu’un projet ait lieu (sauf mon chum, ça, c’est une autre histoire #sacréMitch), mais la réalité est tel un coup de pelle. Et il y aura toujours de supers humains bien humiliants pour souligner qu’eux, tout a été facile, qu’il faut être anormale pour vivre de la mom rage, qu’on n’avait qu’à s’informer avant, qu’on doit profiter de notre bébé parce que ça passe trop vite (un jour, j’écrirai un texte sur cette fameuse phrase, « profites-en ». Y’en a trop à dire pour une seule parenthèse.)
Même aujourd’hui, je n’ose quand même pas en parler avec les futures mères de mon entourage, enceintes ou désireuses de l’être. Je n’ai pas envie d’être « cette mère » négative, pessimiste, qui leur gâche leur bulle. Je me contente de leur dire que j’ai trouvé ça toff et que je serai toujours là si elles ont besoin de parler. Et puis, pour elles ça pourrait être différent, non? Elles ne sont peut-être pas égoïstes ou fragiles comme moi.
Parallèlement à ça, je regrette TOUT de ma vie d’avant, jusqu’aux moments où je trouvais le temps long.
Je me surprends souvent à rêvasser sur ce qu’auraient été les 14 derniers mois de ma vie sans bébé… et je m’oblige toujours à arrêter, parce que c’est aussi malsain que de repenser à un ex avec nostalgie : le passé est mort, cette vie parallèle n’existe pas, laissons-les tranquilles et concentrons-nous sur ici et maintenant. Je me sens quasi quotidiennement prisonnière de mon quotidien, de la routine, de l’horaire de bébé, de son sommeil, de mon allaitement, de ses repas… mais je sais que lorsqu’elle sera à la garderie, je me morfondrai de cette époque. Comme je sais que chaque soir, quand elle se couche, je suis à la fois soulagée et libérée, mais aussi prise d’une envie irrésistible d’aller regarder des photos d’elle sur mon téléphone. Et j’en suis furieuse. Pourquoi ne puis-je pas juste profiter de chaque moment, comme on se le fait répéter ad nauseam ?!
Le fait que je doute que je me serais reproduite si j’avais su ne repose absolument pas sur le bébé que j’ai eu. Absolument pas. J’ai eu le meilleur bébé pour moi et imaginer mon existence sans elle est impossible.
Lorsque je m’observe froidement, je vois une drama queen qui s’invente des malheurs parce qu’elle a trop de temps libre. Mon bébé est joyeux et généralement facile à vivre. En bonne santé. Mon chum est présent et en télétravail à la maison depuis la fin de son congé, compréhensif et bien peu stressé avec l’état de la maison et les repas. Notre couple est fun et solide. Nos finances vont bien. J’ai un bon emploi qui m’attend jusqu’au moment où je déciderai d’effectuer un retour. J’ai l’aide de ma mère.
Mon problème? Selon mon médecin, un simple débalancement des tâches domestiques. Selon moi, il doit bien y avoir quelque chose de plus, non ?! Allô ?! Mais bon, qui suis-je pour oser croire que d’être en colère pendant 12 mois tout en étant dévastée au quotidien pour aucune raison n’est pas qu’un problème de partage des responsabilités ?!
Si j’avais pu rencontrer la personne qui emménagerait dans ma tête après la naissance de mon bébé — parce que oui, j’ai l’impression qu’une 2e personne prend occasionnellement les commandes de moi — j’aurais définitivement hésité à me reproduire.
Je pensais que je serais une mère vraiment nulle. C’est faux. Je lis et m’instruis en continu, je suis patiente et dévouée, pas trop stressée, j’ai du fun avec mon bébé et j’en suis très fière. N’en demeure pas moins que je pensais quand même que ça serait plus facile, d’être mère. Ça ne l’est pas pour moi. Et je sais que je ne suis pas seule. C’est tabou, malaisant, humiliant et ça suscite parfois des réactions scandalisées de l’entourage, mais c’est une réalité pour bien des femmes. Je n’en ai pas honte et j’écris ces mots pour vous rejoindre, vous, les mamans qui se sentent seules, dépassées, nulles, défectueuses et j’en passe. Tout va peut-être vraiment bien dans votre vie, sauf VOUS. Consultez, trouvez un réseau qui vous comprend, rejoignez un groupe de mamans/parents bienveillant.e.s, mais ne restez pas seule avec votre impression d’être à côté de la track. Et n’acceptez pas qu’on vous culpabilise ou qu’on vous invalide parce que vous vous sentez ainsi. Vous n’avez pas à vous excuser d’étouffer dans cette nouvelle vie inimaginable et impossible à prévoir. Trouver notre rythme parental est un projet en soi et il faut accepter que ça ne corresponde pas nécessairement à celui de notre entourage (dont on ne voit parfois que le beau, aussi).
Pour en revenir à mon titre : cet « avoir su » n’existe pas. On « sait » seulement lorsqu’on a notre petite patate dans les bras et qu’on découvre doucement (ou brutalement) la nouvelle vie qui nous attend. La seule façon d’y survivre? Un jour à la fois. Une heure à la fois. En sachant que malgré les sentiments de solitude ou d’isolement parfois violents, on ne l’est pas, ne serait-ce que grâce aux réseaux sociaux qui peuvent être des alliés précieux.
Un jour, quand bébé aura grandi, dans très très longtemps, je lui expliquerai qu’elle a changé ma vie et que parfois, j’ai trouvé ça difficile. Je sais, puisque c’est déjà le cas, que je pourrai lui affirmer que je n’ai jamais douté un seul instant de mon amour pour elle. Et j’espère, encore fingers crossed, que j’aurai tout oublié des regrets qui m’envahissent parfois en pensant à ma vie parallèle imaginaire sans elle.
*Ce texte a été écrit il y a deux mois et je l’avais mis de côté, par gêne. Je suis soulagée de constater que déjà, les choses sont plus douces et aisées. La preuve que tout finit par passer, tranquillement, presque invisiblement parfois. Courage!*