On dit que c’est lorsqu’on perd quelque chose qu’on réalise pleinement l’importance qu’on lui accordait. Pour ma part, je m’accommode comme je peux à toutes les nouvelles réalités de la pandémie actuelle. Je constate que nous avons tous en nous une incroyable capacité d’adaptation. Toutes ces choses qui font maintenant partie de mon quotidien, la première fois qu’elles ont frôlé mon esprit, je n’étais pas certaine de pouvoir y arriver. Puis, petit à petit, la résilience embarque. On se fait une raison, ou on se raisonne. Et on continue d’avancer. Un pas après l’autre, un jour à la fois.
Depuis le début de toute cette saga, il y a eu les bons jours et les mauvais. Il y a eu du très beau comme du très laid. On tombe parfois et on se relève. On cherche le bonheur, on se raccroche à l’espoir. On finit par en faire sa nouvelle routine : porter un masque, ne sortir que pour le nécessaire, socialiser avec des écrans, manger son resto à la maison. Tranquillement, je commence à faire mon petit deuil de Noël, pour ne pas être trop déçue dans un mois. J’ai toujours l’espoir, mais avec nos familles nombreuses, je ne sais pas trop ce qu’il sera permis de faire. Alors, je ne me crée aucune attente.
Mais, ces jours-ci, je suis tombée sur une photo de famille. Une photo avec mes deux sœurs; on se tient fort, serrées dans les bras l’une de l’autre. À travers la photo, je voyais l’insouciance, la chaleur, la joie. Et là, toute ma résistance, tout mon courage ont lâché. J’ai pleuré longtemps, comme si subitement, je venais de prendre conscience de tout ce qu’on a mis de côté depuis tant de mois déjà. Ce qui me faisait tant mal dans cette image, c’était de constater l’interdit de contact physique, si banal quand je suis avec elles. Le câlin. Même si je les ai vues quelques fois depuis ce printemps. Même si on se parle souvent, même si on se donne des nouvelles tous les jours. Je ne suis pas seule, mais j’ai eu soudain l’impression qu’une éternité me séparait de mes sœurs.
Il y a si longtemps que je n’ai pas senti leurs bras autour de moi, leurs têtes sur mon épaule. J’ai fait le tour de mes connaissances et de mes amis, je me suis remémoré tous leurs câlins et leurs étreintes. Toute cette chaleur, cette énergie et ce sentiment d’être aimée me manquent. Je crois que mon plus grand sacrifice, c’est celui-là. La pandémie m’a fait réfléchir sur le mécanisme de mon cerveau et de mon cœur, et plus spécifiquement sur mes sentiments et mes impressions. J’ai réalisé des choses que je n’avais pas encore pleinement comprises sur moi. J’ai pris conscience de ma compréhension du monde et des gens qui passent essentiellement par le non verbal. Bien au-delà des conversations et des confidences, malgré la grande bavarde que je suis, je suis vraiment une personne kinesthésique, tactile. Je suis sensible aux expressions du visage, au toucher, à l’énergie qu’une personne dégage en ma présence. J’ai besoin de ressentir tout cela pour comprendre et être à l’aise, pas seulement de voir, de lire ou d’entendre.
Alors que la vie sociale est restreinte, ce qui me manque le plus, c’est de faire et de recevoir des câlins. Comme s’il me manquait un morceau de compréhension. Comme si le message, l’émotion, le moment étaient incomplets. Dans ce monde où demain est incertain, il me semble qu’un câlin m’apaiserait. Je rêve du jour où je pourrai serrer ceux que j’aime dans mes bras, très fort et très longtemps. Effacer, dans une seule étreinte, toute la peur, l’angoisse et la tristesse des semaines parcourues.
« Bonjour! Je m’appelle Geneviève et j’adore les câlins ! »
Crédit: Giphy