Malgré les signes, je ne suis jamais vraiment prête quand vient le temps de franchir une nouvelle étape. Je vis ça depuis maintenant 12 ans, et je pense que c’est le lot de tous les parents. J’ai beau me préparer et réfléchir à la meilleure approche, quand l’heure est arrivée, je me sens souvent prise au dépourvu. Dernièrement, ma fille a développé une obsession pour ses poils. Il n’y avait rien à faire, ça la dérangeait.
L’été à nos portes n’a fait qu’amener ce sujet de discussion régulièrement. Elle me demandait de lui montrer comment se débarrasser de ces poils qu’elle trouvait honteux. Je me suis revue à 13 ans, seule dans la salle de bain, à essayer de faire disparaître les miens sans trop savoir la méthode. Je me souviens d’avoir eu la certitude que TOUT LE MONDE jugeait ma pilosité (blonde et duveteuse) au cours de natation. Ma mère avait raison de dire qu’ils étaient quasi invisibles, mais à l’adolescence, on perçoit les choses différemment. Je me suis toujours promis que l’adulte en moi n’allait jamais oublier mes tourments d’ado.
Ayant vécu beaucoup de manque de confiance envers mon apparence et mon corps, j’essaie de planter dans la tête de mon enfant de belles notions de diversité, de beauté intérieure et d’acceptation de soi. Je suis une femme simple qui aborde un look naturel, j’ai appris (et j’apprends encore) qu’aucun vêtement, bijou ou maquillage ne pourra jamais surpasser ce que mon cœur, ma tête et ma personne peuvent offrir. Les jours où je ne suis pas habillée avec soin, coiffée et épilée ne me font pas sentir moins femme que lorsque je fais un petit plus pour une occasion spéciale. J’essaie d’enseigner à ma fille que l’important, c’est ce que nous sommes, pas ce que nous présentons aux autres.
Est-ce que le fait que j’accepte que ma fille se rase à 12 ans brisera ce que j’essaie de lui inculquer? Est-ce que de lui apprendre à enlever ses poils – qui sont tout ce qu’il y a de plus naturel – fera glisser ma fille inexorablement sur une pente dangereuse? Pour juger du sérieux de sa requête, je lui ai suggéré de choisir l’épilation. Comme je m’y attendais, elle a d’abord dit qu’elle allait y penser, pour ramener la question quelques semaines plus tard. À ce moment-là, j’ai su que je n’avais plus le choix d’y faire face.
Je me suis accordé une dernière réflexion. Après tout, avec mes discours sur la diversité corporelle, la condamnation du body shaming et la mise en avant du fait que ma fille est mignonne de par sa personnalité et son intelligence autant que par ses yeux et son petit visage rond, j’essaie de booster son estime de soi. Je veux que ma fille s’aime. Je veux qu’elle s’aime avec ses poils ou sans ses poils. Et si ses poils la dérangent, pourquoi refuser qu’elle les enlève? Après tout, je me rase aussi sans que ça tue la féministe en moi. C’est une question de choix et aussi de respect de son choix.
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Et c’est comme cela que j’ai épilé ma fille à la cire chaude. Elle a supporté sans broncher et elle était contente de ses jambes douces. Petit à petit, elle devient une femme. Petit à petit, je me penche sur les prochains sujets qu’elle abordera, en espérant être juste dans la balance entre estime de soi et acceptation de soi. Au final, l’un ne va pas sans l’autre. Sur son bureau, entre sa guitare, son premier blush et sa boîte à bijoux, j’ai collé cette citation volée sur Internet : « In a world full of Kardashians, be yourself ». Juste pour ne pas qu’elle oublie en chemin.
Comment avez-vous vécu les premières discussions sur l’épilation et le rasage avec votre enfant?