Je n’ai pas de relation avec mon père. Il est en vie, je sais où il habite, mais on ne s’est pas parlé depuis le jour où j’ai quitté sa maison à 18 ans, après une (très) brève cohabitation (très) explosive. Voyez-vous, mes parents ont divorcé quand j’avais 6 ans et durant les 12 années qui ont suivies, sa présence dans nos vies à ma soeur et moi s’est égrainée comme un sablier. Et puis, le dernier grain de sable est tombé et on ne s’est plus jamais parlé.
Je vis quand même bien avec cette réalité. Il y a bien sûr toujours les conversations semi-awkward quand on me demande des questions banales sur mon père. Et il y a toujours le petit pincement au coeur quand je vois des filles de mon âge avoir le soutien indéfectible de leur papa d’amour. Et puis je ne sais pas trop encore comment expliquer tout ça à mes propres enfants.
Mais surtout, la non-présence de mon père dans ma vie et le très petit rôle parental qu’il a joué m’ont laissé avec un grand doute: est-ce que les hommes peuvent être des bons pères? Quand j’ai rencontré mon chum à l’âge de 24 ans, nous avons commencé assez rapidement à parler de fonder une famille. Il vient d’un clan tissé serré et je suis tombée en amour autant avec lui qu’avec sa dynamique familiale. Après quelques années de couple, on s’est acheté une maison et on a sauté dans le vide: faisons des bébés.
Mais l’infertilité nous a choisis et ça nous a pris presque 3 ans avant que je sois enceinte. À travers cette route difficile, mon chum se faisait toujours rassurant et encourageant, mais j’avais aussi tellement l’impression que la possibilité qu’on n’ait pas d’enfants ne le dérangeait pas. Voulait-il vraiment être père? Ce que je ne comprenais pas à ce moment-là, c’était à quel point il voulait me protéger en faisant comme si tout était okay.
Et puis, notre garçon est arrivé et tout d’un coup, tout s’est mis en place. Je ne pense pas avoir été témoin dans ma vie d’un amour aussi pur que celui que mon chum a pour son (maintenant ses) garçon(s). Mais les blessures ne guérissent pas aussi vite et au fond de moi, un doute existait encore. Allait-il un jour prendre ses cliques et ses claques et laisser sa famille derrière?
Lorsque mon garçon avait 5 mois, j’ai dû subir une opération pour retirer mon ovaire. L’opération s’est mal déroulée et j’ai dû être hospitalisée plusieurs jours. En un moment, il s’est retrouvé dans le rôle du parent principal, à se lever la nuit pour donner les biberons et à aller aux rendez-vous avec bébé. Mais quand je lui ai mentionné à quel point j’étais contente et privilégiée qu’il soit un aussi bon papa impliqué, ça l’a un peu insulté. « Tu doutais de moi? Je ne fais que ma “job” de parent! C’est NORMAL. »
Et c’est là que j’ai réalisé cette peur au ventre que j’avais. Cette cicatrice sur mon coeur que j’avais balayée du revers de la main. Cette crainte que tous les hommes étaient comme mon père et que pour eux, être parent, ça pouvait être temporaire. Mais pas pour mon chum, comme pour tellement d’extraordinaires papas de mon entourage. Qu’en effet, c’est normal de s’occuper et d’aimer ses enfants. Voyons donc. C’est évident! C’est quitter qui est anormal!
Alors, plus jamais je n’ai douté. Au contraire. Mon chum a dépassé toutes les attentes que je pouvais avoir. Et encore plus, surtout depuis qu’il est à la maison à temps plein avec nos deux garçons pendant que la garderie est fermée. Est-ce que certains jours, il les mettrait à vendre pour 2$ sur Kijiji? Probablement (qui n’y pense pas de temps en temps?). Mais l’amour qu’il ressent pour ses enfants est au-delà de tout ça.
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