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Les enseignantes qui accouchent en été perdent de l’argent et c’est injuste
Crédit: Unsplash

Mes collègues enseignant.e.s et moi aimerions dénoncer une situation injuste et frustrante. Vous le savez comme moi qu’il est plutôt difficile, voire impossible, de choisir le moment où l’on va tomber enceinte. La vie décide pour nous! Alors, de me faire répondre « Ben, t’avais juste à ne pas prévoir accoucher en été, comme ça, tu aurais eu toutes tes payes! », ça me fait dire « Quoi? »

 

Je vous explique…

Nous, les enseignant.e.s permanent.e.s, sommes payé.e.s pour 10 mois de travail. Dans notre convention collective, il a été entendu que nous recevons nos payes échelonnées sur 12 mois. Alors, chaque paye, tout au long de l’année scolaire, un montant est prélevé et mis de côté, dans le but de nous être redonné plus tard (vacances de Noël, relâche et été).

Cet argent, gardé par le service de paie, est le fruit du travail fait pendant les 10 mois d’école. C’est de l’argent gagné, de l’argent travaillé à la sueur de notre front. Ce salaire nous appartient! Il doit nous être versé, un moment donné; c’est ça l’entente.

 

L’indemnité des 21 premières semaines

Ma date prévue d’accouchement est pour l’été 2020. J’arrêterai un peu avant ma date prévue d’accouchement et je commencerai le RQAP. En enseignement, comme dans plusieurs autres secteurs, notre employeur verse un petit surplus au RQAP pour les 21 premières semaines du congé de maternité. Alors, qu’on accouche en septembre, en mars ou en juillet, toutes les enseignantes reçoivent cette « indemnité complémentaire »

 

Là où la situation est déplorable…

Lorsqu’on accouche durant l’été ou un peu avant, il se trouve que ces 21 premières semaines tombent pendant le congé estival. Les lois du RQAP disent qu’on ne peut pas recevoir plus d’argent en maternité que lorsqu’on est au travail. Je ne peux donc pas recevoir le RQAP + « l’indemnité complémentaire » + ma paie mise de côté durant l’année scolaire.

L’employeur a donc décidé de retenir l’argent qui a été mis de côté durant 10 mois. Notre employeur agit ainsi, car il affirme que l’indemnité donnée avec le RQAP accote presque mon salaire régulier.

Oui, mais où va donc notre argent cumulé? Nous n’en verrons jamais la couleur… Aucune solution à l’horizon.

Non, commencer le RQAP après l’été n’est pas envisageable, car nous perdons ces semaines de RQAP. Non, ne pas déclarer l’accouchement n’est pas une option non plus…

 

Je peux reporter 4 semaines de vacances… Oui, mais?

Cela dit, on m’informe que j’ai le droit de reporter 4 semaines de vacances d’été sur un total de 7, à la fin du congé de maternité.

Qu’arrive-t-il des 3 autres semaines (mon cumul en argent déjà travaillé)? Ces 3 semaines ne me sont jamais redonnées. Qui accepterait de NE PAS se faire payer 3 semaines travaillées?

Je crois qu’il y a déjà assez de bénévolat et d’heures supplémentaires non rémunérées dans notre profession…

 

Une réalité injuste

Je réalise qu’il y a des moments précis dans l’année où c’est plus avantageux financièrement d’accoucher… comme septembre, disons!

En septembre, l’enseignante a reçu toute sa paie accumulée des 7 semaines d’été et elle bénéficie des 21 premières semaines indemnisées par notre employeur.

Ceci est déjà un droit acquis, mais pas pour les mamans d’été! Mais c’est ma faute, j’aurais dû prévoir un bébé pour septembre ou janvier… N’est-ce pas?

 

Des démarches légales qui ont échoué

La convention collective ne joue pas en faveur des femmes qui accouchent en été pour cette situation bien précise. Nos syndicats ont fait des griefs et sont allés en arbitrage plusieurs fois. Le tribunal n’a pas porté un jugement favorable à notre cause. Cela fait maintenant état de jurisprudence.

Nous avons même consulté les décisions des arbitrages et ses jugements… Finalement, nous réalisons que si nous voulons notre argent cumulé, nous devons changer cette loi. Cela dit, seuls les élus peuvent le faire.

 

Une ville au Québec serait équitable, selon certains dires…

Selon notre petite enquête, il est établi que les enseignantes d’une certaine ville ou commission scolaire au Québec, à qui cette situation arrive, reçoivent la totalité de leur argent dû sur leur dernière paie de juin.

C’est ce qui devrait être fait partout pour éviter une situation injuste et inéquitable.

 

Le saviez-vous?

Ainsi, mes collègues et moi avons réalisé que ce n’était pas tout le monde de notre milieu qui était au courant de cette « clause » qui n’est clairement pas interprétée en notre faveur. Cela ne touche pas les hommes, alors ces derniers – ceux que nous avons consultés, du moins – ne le savaient pas.

Quant aux femmes, la première année de bébé est souvent tout un chamboulement dans la vie, alors peu d’entre elles analysent véritablement leur paie.

On peut donc conclure qu’au bout de 12 mois, pour les mêmes 10 mois travaillés, deux enseignant.e.s du même échelon n’auront pas obtenu le même salaire si l’une d’entre elles a donné naissance à son bébé en été.

 

 

Somme toute, l’équité fait partie intégrante des droits de la personne; à travail égal, salaire égal. Aujourd’hui, je veux donc dénoncer cette situation qui fait perdre de l’argent à certaines nouvelles mamans du corps enseignant. Informez-vous, et ensemble, essayons de changer les choses!

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