Il y a quinze ans, je te choisissais. Je sais, j’étais têtue. Tu as usé de ruse et de douceur, de patience et d’endurance pour gagner mon cœur. Tu m’as couvert de roses et d’attentions. Tu as défié mes amis à te donner en retour un numéro. Des chiffres composés dans le secret de ta chambre, sur un Vtech si moderne, à l’ère maskoutaine.
Tu m’as chanté la pomme, alors que je te craignais haut comme trois pommes.
Tu m’as conquise, dans ton sous-sol, le 5 du deux du 5. L’Effet papillon qu’on écoutait sur ta télé aux énormes dimensions. Cathodique image. Pas catholique, ma rage… de toi. Tu as semé en moi l’émoi. Quand j’y repense, j’en ai encore des papillons.
On s’est découvert, petit à petit, dans le secret de ton lit à l’envers. Nus comme des vers. Vers l’infini.
Tu respirais le calme et la sensualité. Tu goûtais le futur et m’enracinais, tout à la fois, dans le présent. Rapprochée de toi, tu me déshabillais de tes yeux, puis de tes mains, tout doucement, sans empressement, à l’abri du regard de nos parents, toujours soucieux de notre amour ambitieux.
Tu m’as caressée avidement, comme dans les films d’ado. Tout le temps.
M’as susurré tous les mots que mes oreilles rêvaient d’entendre.
Tu as réveillé l’amour, le vrai, qui sommeillait en moi, qui t’était destiné.
Tu as fait jaillir l’envie d’enfants, avant même que mon cerveau en fasse autant.
On a dévalé les pentes, ensemble. Sur la neige et dans la réalité.
Tu as été, tout ce temps, mon roc, mon équilibre, ma moitié.
On s’est raconté nos vies, dans les remontes- pentes.
On s’est tenu la main, dans les moins bonnes pentes.
On a cumulé les ascensions, au lit comme dans la vie. Les succès, on les a savourés ensemble…comme tous ces desserts qu’on prenait plaisir à partager.
Il y a 15 ans… et des poussières, tu m’avais déjà choisie. Tu avais pris parti. Tu te disais conquis.
Au volant de ton bolide archaïque, entre deux cours de Cégep, tu venais secrètement me cueillir de tendres baisers. Je t’attendais, le cœur battant, à nu.
On n’était pas majeurs. Mais c’était de l’Amour digne des ligues majeures.
Il y a quinze ans, on se choisissait. Tous les deux.
Sans hésiter.
On se faisait passer en premier.
On se célébrait, au jour le jour.
Et surtout, on s’embrassait sans craindre gastro ou enfants jaloux.
On prenait le temps de boire les paroles de l’un et de l’autre, de se saouler d’amour. On se racontait nos journées. On se regardait dans les yeux, sans penser à la vaisselle ou à la texture des selles de nos enfants.
On nourrissait nos rêves, comme on nourrit nos bébés.
Il y avait si peu de tempêtes à braver.
Après quinze ans, je ne pense toujours pas me rassasier de toi. Je te choisis toujours, même dans mes rêves, aussi fous soient-ils, comme dans la vraie vie.
Je te prends parfois pour acquis, les yeux trop endormis.
J’ai perdu mon filtre, ma grâce et ma patience. Mais mon sac d’amour en demeure pas moins plein.
Je t’aime plus qu’hier, moins que demain, même si tu as oublié de sortir les poubelles ce matin!