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Ma belle sensibilité
Crédit: Yoann Boyer/Unsplash

Nous vivons dans un monde qui idéalise l’ambition, la force, le courage. Nous enchaînons les défis, les relations et les réalisations. Je suis comme la première fleur qui pointe sous la neige, fragile et discrète. Elle fleurit dans le froid, défavorable à sa croissance: on se demande comment elle pourra survivre. Ma grande sensibilité dans un monde où souvent tout va vite, va fort, va mal, c’est un défi quotidien. Mon champ de bataille et une de mes plus grandes fiertés.

Ce trait de caractère me vient de ma grand-maman, cette petite femme que la vie a tant déchirée, mais qui jamais ne s’en plaignait. Elle avait toujours une pensée ou une prière pour son prochain, elle semblait toujours fragile et à fleur de peau. Mais je sentais en elle une force incroyable. Une force du cœur, une intelligence émotionnelle. Je suis contente d’être un peu comme elle. 

Oui, je pleure souvent. Je pleure de joie quand mon cœur veut éclater de bonheur. Je pleure de tristesse quand vous m’annoncez une mauvaise nouvelle. Je pleure de colère quand j’ai honte de mon comportement. Je pleure de fatigue quand je sens que je perds le contrôle. Je pleure devant la télé, le nez dans mon roman, quand la musique touche mon âme ou seule dans mon bain.  J’ai appris à pousser cette petite boule douloureuse au fond de ma gorge si souvent, j’ai appris à me contrôler davantage. Parce que pleurer est souvent mal reçu, ça fait peur aux gens, ça les met mal à l’aise.

Mais, ma sensibilité va bien au-delà des larmes.

Elle me rend attentive aux autres. Elle me rend empathique. Elle ouvre mes sens sur la beauté du monde, sur la beauté des gens. Tout est un émerveillement à mes yeux. Je suis intuitive, je capte les émotions des autres avant même qu’ils n’ouvrent la bouche. Je suis douce et calme à l’extérieur, mais la tempête est toujours active en moi. Car mon cœur est constamment submergé par l’émotion, de quelque nature que ce soit. Je les vis plus vite, plus longtemps, plus intensément. Je suis souvent mélancolique, prisonnière de la vague qui ne veut plus passer. Je ne suis pas rancunière, je n’ai pas de difficulté à pardonner, seulement une blessure de cœur semble si longue à cicatriser. Et j’en ai plusieurs qui ne guériront jamais; peu importe le temps qui passe, leur souvenir est toujours douloureux.  

Je suis dure avec moi-même, avec mon corps et surtout avec la marge des erreurs que je me permets. Je vis mal l’échec et j’aspire à la perfection. Par contre, je suis d’une tolérance infinie avec ceux qui m’entourent, car je déteste qu’on me juge pour mes manquements alors je n’ose pas imposer cela aux autres.  Je suis un peu lunatique, perdue dans un monde d’imagination où je pallie aux trous de la vie par quelque chose de doux. J’ai une excellente mémoire des événements, des lieux, des paroles, des odeurs et de l’atmosphère du moment. Je conserve le souvenir de chaque parcelle de bonheur et je les repasse, fidèles comme un film, lorsque la vie me fait un peu trop souffrir.

J’ai beaucoup de difficulté à m’ouvrir aux autres, à mettre des mots clairs sur ce qui ne va pas. J’ai constamment peur de déranger, de dramatiser, d’être mal comprise. Je me replie sur moi-même, je me laisse bercer par la tempête jusqu’à ce qu’elle passe. Souvent, j’écris pour libérer le trop-plein. À travers les mots, je trouve mon équilibre, je me soigne et je me ressource. Mon besoin d’écrire aura été la plus salutaire de toutes les thérapies. Ma sensibilité n’est pas une faiblesse, bien que certaines personnes puissent me percevoir ainsi. J’apprends à la côtoyer, à l’apprivoiser, à l’adapter à ma vie d’adulte. Mais je ne peux pas changer la chimie de mon cerveau, la nature de mon cœur. Je suis ainsi: intense, généreuse, mélancolique et passionnée.

Je suis la première fleur du printemps, dans un climat un peu hostile à son épanouissement. Un ravissement pour les yeux, un espoir pour la suite. N’ayez pas pitié de ma sensibilité, je m’en accommode très bien.

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