Ce matin, une nouvelle m’a carrément fait tomber en bas de ma chaise. Hier, la compagnie Weight Watchers (maintenant WW) a annoncé le lancement d’une application de perte de poids ciblant les 8-17 ans. L’application (Kurbo by WW) demande aux utilisateurs de rentrer les données par rapport à leur poids et leur grandeur et permet de comptabiliser les activités physiques et la nourriture mangée durant une journée en plus de catégoriser les aliments selon un système de bon/moyen/mauvais qui utilise des feux de circulation vert, jaune et rouge comme symboles (vous comprenez le concept).
Ayoye. On va tout de suite mettre une chose au clair, cibler des enfants aussi jeunes que 8 ans avec un produit de perte de poids, ça ne fait pas de maudit bon sens. Encourager des jeunes à faire l’inventaire de leur nourriture et à voir l’activité physique comme un médium de perte de poids, ça ne fait pas de maudit bon sens. Inculquer le message comme quoi être plus mince = plus en santé, et que le poids en est l’indicateur, ça ne fait pas.de.maudit.bon.sens.
Prenez deux minutes pour parler avec n’importe quelle personne qui a dû vivre avec un trouble alimentaire, et il y de bonnes chances qu’elle vous dise que leur obsession avec leur corps a commencé à un très jeune âge. Une étude sur les jeunes filles adolescentes faisant un régime a révélé qu’elles étaient 5 fois plus susceptibles de développer par la suite un trouble alimentaire.
Nous vivons dans une société qui a mis une emphase incroyable sur l’apparence physique, et le message véhiculé est souvent déguisé sous un prétexte de « santé ». Être en « santé » est un mot de code pour être mince dans bien des cas, et quand on commence à transmettre ce message à des enfants, on s’assure de mettre en place une vie complète de relation tordue avec leur corps et leur image.
En tant que parents, nous avons un rôle absolument crucial dans le développement d’habitudes saines pour nos enfants. Et par saines, je veux dire autant physiques (nourriture/ sport) que mentales.
Voici quelques petites pistes beaucoup plus sensées qu’une application qui n’a comme objectif que de faire rentrer davantage de gens dans la grande roue lucrative de l’industrie de la perte de poids.
1- Encourager nos enfants à manger des aliments variés et ne pas les catégoriser selon bons et mauvais. Expliquer pourquoi certains aliments sont positifs pour notre corps alors que certains autres, bien que plaisants au goût (comme les sucreries), doivent être consommés en plus petites quantités. Il faut le plus possible impliquer les enfants dans le choix et la préparation des repas et trouver de nouvelles façons d’apprêter les légumes.
2- Intégrer l’activité sportive de façon régulière et miser sur le plaisir plutôt que la dépense énergétique/ calorique.
3- Éviter les commentaires négatifs sur l’apparence des gens en général et surtout sur nous-mêmes. Il ne faut pas oublier que les enfants sont des petites éponges et que si on passe notre temps à se dénigrer, ils auront tendance à développer ce genre de pensées envers eux aussi.
Je suis certaine que plusieurs parents sont remplis de bonnes intentions et ne veulent que s’assurer de la santé de leurs enfants. Mais quand je vois une industrie vautour vouloir capitaliser sur la détresse de ces parents, ça me met hors de moi. Montrons l’exemple à nos enfants. Disons-leur que tous les corps sont des bons corps et mettons l’emphase sur les bonnes habitudes. Et au diable les profits (et les profiteurs)!
NDLR: Même si WW justifie l’existence de cette application en soutenant qu’elle permet aux jeunes et à leur famille de se maintenir en « santé » en tenant l’inventaire des aliments ingérés, mais aussi des activités physiques, disons que l’idée derrière est assez douteuse. Même si Weight Watchers tente de redéfinir son approche actuellement – notamment en retirant le mot « poids » (weight) de son nom et en adoptant le nom WW – la ligne est plutôt mince et la compagnie continue de se positionner au coeur de l’industrie très lucrative de la perte de poids. Bref, avec une application comme Kurbo par WW qui vise une clientèle très jeune, il importe de se questionner sur la véritable motivation de la compagnie, et aussi (surtout) sur les impacts néfastes que son approche peut avoir sur les jeunes et les enfants. C’est d’ailleurs à cette réflexion que ce texte veut contribuer.