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Quand le racisme s’invite à la maison
Crédit: Joao Tzanno/ Unsplash

Mon copain me dit souvent que je regarde le monde avec des lunettes roses. Dans un sens, il n’a pas tort. De nature inclusive et gentille, j’ai toujours été l’amie de ceux qui sont la cible des intolérants et des méchants. Je choisis de m’entourer de gens qui ont la même ouverture d’esprit que moi. Et surtout, j’évite les pages des réseaux sociaux où les commentaires haineux pullulent. Peut-être que je suis un peu comme l’autruche qui garde sa tête dans le sable. Je sais que la haine existe, mais souvent je fais comme si elle était loin de moi, parce que je ne la supporte pas. Je ne peux concevoir qu’on juge une personne seulement parce qu’elle est différente.

Pour la longue fin de semaine de la Saint-Jean-Baptiste, nous avons accueilli la mère de mon copain. C’est une femme qui a le jugement facile, la peur de l’inconnu prédominante et de vieilles valeurs tout droit sorties de la Grande noirceur. Elle boit l’actualité sans analyse personnelle et est convaincue que ses idées conservatrices sont les seules valables pour le bon fonctionnement de la société. En toute honnêteté, on n’a très peu de choses en commun, elle et moi.

La fin de semaine fut pénible. D’abord, par sa fixation malsaine sur mes voisins, des « étrangers qui ne pratiquent pas la même religion », pour ne pas nommer cette religion. La tristement célèbre phrase « Je ne suis pas raciste, mais… » m’écorche encore les oreilles tant je l’ai entendue en deux jours. Ensuite, par ses opinions tranchées sur tant de sujets qui viennent me heurter. Finalement, par son besoin de faire sentir les autres un peu misérables de ne pas penser comme elle. Comme si elle détenait toutes les vérités.

Elle passe son temps à dire que le monde va mal. Selon elle, ce malheur a plusieurs causes. À cause des jeunes qui ne jouent plus dehors. À cause des parents qui mélangent les enfants avec leurs conneries non-genrées. À cause des jeunes mères qui veulent aussi une carrière, cause première des enfants dysfonctionnels dans notre système d’éducation breveté. À cause des gens d’ailleurs qui arrivent ici avec une culture différente qu’ils voudront nous imposer. À cause de ceux qui ne se retrouvent pas dans une sexualité « normale » (c.a.d. un homme pis une femme pis le missionnaire).

En fin de semaine, mes lunettes n’ont pas été assez roses pour me protéger de toute cette méchanceté. On évite le plus possible nos contacts avec elle, et quelques heures à peine suffisent à me rappeler pourquoi. Il y a pourtant une chose que je lui accorde dans toutes les paroles qu’elle a prononcées. Oui, le monde va mal.

Le monde va mal de tant de haine et de préjugés. Le monde va mal parce qu’on passe notre vie à regarder ce que les autres font de la leur, et que si ce n’est pas fait comme nous, c’est forcément mauvais. Le monde va mal parce que nos enfants, garants de l’avenir de notre société, côtoient trop de personnes qui pensent comme ma belle-mère. Plus que jamais, je suis fière d’avoir été l’amie, dans ma classe de Gagnon-Tremblay-Pilon-Fortin, de la jeune fille à la peau foncée et du garçon en chaise roulante. Plus que jamais, je suis fière de mes valeurs inclusives, respectueuses. Je suis fière de mon pays multiculturaliste. Parce qu’un pays, ce n’est pas du monde tous pareils, c’est du monde tous ensembles (Cette phrase vient de la députée Catherine Dorion, et j’aime me la répéter pour bien m’en imprégner).

Ma douce riposte : on a amené ma belle-mère au défilé de notre ville, axé sur l’harmonie et la fusion des communautés : costumes scintillants, danses traditionnelles et étalage de culture tous réunis en une seule et même célébration. C’était magnifique, mais je ne pense pas qu’elle a apprécié ce défilé qui lui rappelait que tout le monde a le droit aux festivités nationales, peu importe sa religion, ses origines ou ses valeurs.

Je souhaite que la terre ne supporte pas trop de gens qui pensent comme ça, afin de rendre inutiles mes lunettes qui diluent la laideur du monde.   

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