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À quoi ça sert de pleurer…
Crédit: Osman Rana/ Unsplash

Je vais mélanger des choses, c’est un lifestyle, ça fait partie de moi. Ça m’a même permis de finir mes études avec toujours des bonnes notes parce que j’allais chercher dans d’autres matières des éléments de réflexions pour pousser plus loin la mienne. C’est important, qu’on me disait, de mélanger les matières pour comprendre que le monde a plusieurs facettes et qu’on le regarde avec différentes lunettes.

Je mets mes lunettes de Québécoise en premier, et au lendemain de la Saint-Jean, je me sens en lendemain de veille, mais c’est pas à cause de l’alcool. Je suis en lendemain de veille d’autre chose et comme j’ai appris à écrire et que le storytelling, ça fait partie de moi, je vous en parle plus tard.

Je commence avec mes lunettes de parent, de ces lunettes que tu mets et que tu ne peux plus enlever à la seconde ou ça te frappe. J’ai un humain sur Terre qui compte sur moi pour arriver à être autonome, aimé et protégé. Je sais pas si ça vous a fait ça, au pire sinon c’est pas grave, mais la seconde où j’ai eu mon enfant dans mes bras j’ai ressenti des chocs dans mon cerveau, comme si je comprenais que maintenant, cet humain-là était ce que j’avais de plus précieux.

J’ai fait comme la plupart des parents; des sacrifices pour permettre la base à mon enfant. Ça veut dire pas trop dormir, demander de l’aide des amis pour le tenir ou le garder parce que je devais continuer de travailler et plein d’affaires du genre. Ma carrière aurait pu avancer plus vite si j’avais pas pris le temps d’imposer que de passer du temps avec mon enfant, c’était ma priorité.

Comme avec beaucoup d’événements qui se passent dans le monde, d’un coup qu’on sait c’est quoi, qu’on écoute des témoignages, qu’on prend le temps de poser des questions, d’un coup qu’on a mis ses lunettes et qu’on voit clair, c’est difficile de l’oublier. En fait, moi, ça me hante. J’en rêve la nuit. J’écoute des podcasts là-dessus, je suis les informations, ensuite j’essaie de voir plus qu’un côté de la médaille, j’essaie de comprendre encore et toujours comme on risque sa vie pour essayer de sauver la nôtre et celle de nos enfants.

Et normal que ça me parle, des gens qui essaient de se sauver la vie et sauver celle de leurs enfants. En regardant la trame de ma vie, j’aurais quand même aimé que ça m’arrive à moi, quand j’étais dans une situation où ma sécurité était précaire, mais je suis pas ici pour parler plus de moi.

Alors, il y a cette photo: ce papa et son enfant, morts noyés pour essayer d’accéder à une vie plus correcte, fuir ce qui se passe en Amérique latine, essayer de permettre à son enfant de deux ans d’avoir une vie meilleure. Aussi triste que ça puisse paraître, de voir leurs deux corps inanimés sur le bord de l’eau de même, il y a une force dans l’image, une présentation de ce que c’est la vie en ce moment pour des gens qui veulent espérer mieux. T’as le choix de mourir dans ton pays ou mourir en essayant de le fuir. C’est comme un get less poor or die trying.

Pis là, sur Facebook les gens pleurent le sort de cette famille. Ça pas de bon sens montrer cette photo là. Les gens sont déçus. C’est plate pour eux de voir ça. Ça pas de classe. Faut-tu être cave, que j’ai lu ce matin, pour se noyer de même avec son enfant. Take a kayak. Une veste de sauvetage qui flotte pas. Un bateau qui coule pas, quelque chose. T’sais. Ou passe par le vrai chemin, la vraie demande d’asile, t’sais, dit cette personne confortable dans sa banlieue confortable qui espère que son gazon sera plus vert cet été avec toute la pluie. Le céleri est rendu 6 dollars, c’est leur tragédie.

Pis une partie de moi bouille, ça c’est mes lunettes, au pire, de milléniale qui sait qu’on nous laisse une Terre malade, une société qui va pas bien. Une province qui vote pour un réglement pour contrôler la religion des autres et qui passe comme patrimoine toutes les croix tachées des abus du siècle dernier. On transforme les églises en condo, au pire. On vote sous bâillon P21 pour s’assurer qu’on reste confortablement entre blancs en position d’autorité. On rigole de chaque vague d’immigration en se posant pas plus de question que de se dire «  j’espère que mon tout-inclus sera propre en décembre ».

On pleure la mort horrible de deux personnes quand c’est la mort horrible de notre tolérance qu’il faudrait pleurer. Mais ça, ça attendra la fin des vacances.

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