Je suis enceinte pour la deuxième fois. Je suis vraiment heureuse de cette nouvelle. Ça a été plus long cette fois-ci et, chaque mois, je vivais une déception un peu plus grande. Alors je n’ai aucun doute par rapport à cet enfant-là. Je le veux, peut-être même plus que je voulais mon premier, parce que cette fois je sais dans quoi je m’embarque. Mais il y a une chose qui me fera toujours autant peur.
On dit qu’une femme perd en moyenne 2.5 ans d’avancement professionnel par enfant. Je l’ai vu avec ma première grossesse. Et je suis convaincue que je le verrai encore. Il y a des métiers où, heureusement, on n’en est plus là. Il y a des environnements de travail qui ont compris qu’une femme peut mener sa vie sur ces deux fronts-là en même temps. Mais ce n’est pas le cas dans mon domaine. Du moins, pas de mon expérience. Pourtant, mes collègues masculins qui ont eu des enfants dans les dernières années ont gravi les échelons sans problème.
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C’est spécial, parce que je suis consciente que nous sommes des privilégiées, nous les femmes canadiennes salariées, d’avoir le droit à des congés de maternité (ou congés parentaux, mais c’est encore la femme qui l’utilise dans la vaste majorité des couples hétérosexuels) assez longs, avec des lois qui nous protègent un minimum pour ne pas avoir à tout recommencer à zéro. En même temps, ça fait que les patrons se méfient, qu’on doit mettre nos carrières en veilleuse pendant le temps qu’on choisit de passer avec nos enfants. Congé trop court = culpabilité garantie. Congé trop long = carrière sur hold et opportunités qui nous passent devant les yeux pendant qu’on essuie les régurgitations sur nos épaules.
Après notre premier enfant, mon conjoint et moi avions convenu que nous allions partager le deuxième congé parental de façon égalitaire. Par contre, quand je suis tombée enceinte, il avait changé de travail et son nouvel emploi n’offre pas des conditions qui nous permettront vraisemblablement de le faire.
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Alors oui, je suis super heureuse de cette petite vie qui sommeille en moi. Mais j’ai peur en même temps. Je veux le cacher le plus longtemps possible à mes patrons… mais je ne pourrai plus garder le secret très longtemps, puisque mon ventre s’avance un peu plus chaque jour depuis la minute même où j’ai vu le petit + se dessiner sur un bâton.
Va falloir que je travaille sur moi, que j’arrête d’essayer de contrôler ce qui n’est pas de mon ressort. Je veux cet enfant dans ma vie. Et j’ai beau dire ce que je veux, travailler deux fois plus fort pour être une employée exemplaire, ou jouer cartes sur table comme je l’ai fait la première fois, exposant ma vulnérabilité à ceux qui ont une partie de mon avenir entre leurs mains… je ne sais pas et je ne contrôle pas la façon dont mon patron va traiter cette information.
Et si je sens encore que je regarde le train des autres passer, assise sur ma tablette, ça sera à moi d’en descendre et d’aller voir ailleurs si j’y suis. Être une employée hyper loyale depuis des années ne m’a pas apporté grand retour de balancier. Je commence à être lasse d’être tenue pour acquise.
Mais qui engagera une femme enceinte? J’ai donc une grossesse et un congé pour décider de ce que je veux vraiment pour rembarquer dans le bon wagon.
Tchou tchou, sur les rails de la conciliation travail-famille, comme dirait l’autre.