Au début de 2019, j’ai reçu un diagnostic de dépression majeure. Ma vie personnelle avait pris une tournure inattendue à l’automne alors que mon amoureux était déménagé à l’extérieur. J’occupais aussi un emploi qui me mettait dans des situations de grand stress. À partir d’octobre 2018, les gens autour de moi ont commencé à allumer des lumières : «Tu trouves pas que t’aurais besoin d’un break JP?» «Tu devrais prendre un peu de temps pour toi».
Puis en janvier est arrivé la réunion d’équipe où LA question a été posée : «Pourquoi vous êtes ici aujourd’hui? Qu’est-ce qui fait que vous vous levez le matin pour venir travailler?». Après un coup de chaleur et l’envie de m’évaporer sur ma chaise, de disparaître, ma réponse est venue : «Je viens travailler le matin pour ne pas mettre mes collègues dans la marde». Je venais travailler pour ne pas mettre mon équipe dans le pétrin. Travaillant dans le domaine social, tout le monde s’est retourné vers moi en me regardant comme si je devais quitter, m’en aller chez nous, me reposer. Deux jours plus tard, j’attendais dans la salle d’examen de l’urgence et on me diagnostiquait une dépression. Arrêt de travail, médication, toute le kit.
Je suis solo parental une semaine sur deux. Mon arrêt de travail a commencé une semaine où je n’avais pas les enfants avec moi. J’ai tellement dormi, tellement fait d’anxiété. Je ne croyais pas avant qu’il était possible d’être littéralement paralysé dans son lit à cause de l’anxiété. Je n’arrivais simplement pas à me lever, même pour manger ou me laver. Je voyais le vendredi matin, moment où l’échange de garde se fait chez nous arriver, et j’angoissais. L’angoisse c’est une drôle de bibitte. Tu sais jamais trop à 100% sur quoi tu angoisses dans la vie. Là je le savais très bien : la peur de ne pas être capable de m’occuper de mes enfants. L’angoisse de ne pas être en mesure de me lever le matin pour faire à déjeuner à mes enfants, de ne pas être capable de leur sourire quand ils viennent me montrer leurs dessins moyens ou quand ils me réclament des bisous.
C’est pas arrivé tout à fait comme ça, mais c’est arrivé. Je me revois le samedi matin, me levant à 6h00 parce que mes enfants sont des oiseaux du matin, leur préparant à déjeuner comme un zombie et m’éffouarant littéralement sur le divan pendant qu’ils mangent leur bol de céréales en écoutant la télévision. Je me revois me réveiller en sursaut, la jambe couverte d’autocollants que ma fille m’avait mis pour que «j’aille mieux». Je me vois, dans la salle de bain en pleine heure du dîner en train de brailler parce que je suis fatigué et que je ne sais pas comment je vais passer à travers ma journée. Je me revois, me flageller de permettre à mes enfants les «activités spéciales», jeux vidéo, Netflix pendant toutes les premières journées au lieu d’aller jouer dehors ou de faire des activités ensemble. Heureusement, je suis bien entouré. La maman des enfants m’a toujours fait savoir qu’elle était là si je me sentais dépassé. J’ai de bons amis qui m’ont permis, lors de mes semaines sans enfants, de me changer les idées.
J’ai donc remonté la pente. Après plusieurs semaines, les antidépresseurs ont commencé à avoir leur effet. Je me suis enfin senti un peu plus reposé. J’ai pris soin de moi. J’ai recommencé à m’entraîner. J’ai été en arrêt de travail. J’ai changé d’emploi. Aussi, je me suis permis avec les enfants d’être ce genre de parent que je jugeais a priori. Ce parent qui permet aux enfants de faire des activités plus «chill» même s’il fait beau dehors. Ce parent qui se permet de faire des petites périodes de repos dans la journée pour arriver à passer à travers. Ce parent qui, parfois, pète un plomb sans aucune raison apparente. Ce parent qui achète la paix de temps en temps. Exit la pédagogie exemplaire, allô l’optimisation des énergies. Permettons-nous donc d’avoir des failles. Permettons-nous la fragilité. Les enfants sont beaucoup plus brillants qu’on le pense. Ils comprennent nos moments de vulnérabilité, nos problèmes de grands. Plutôt que de cacher nos insécurités et nos défis, montrons-leur comment les gérer humainement, montrons-leur que tout le monde peut avoir ses moments difficiles.
Montrons-leur à devenir de grands êtres sensibles et sensés.
Avez-vous eu à faire face à des défis de parentalité en lien avec votre santé? Quelles ont été vos stratégies?