Je lis souvent mon diagnostic de trouble de l’attention avec hyperactivité pour essayer de mieux me comprendre, mais aussi parce que quand on est TDAH, il faut savoir relire des trucs importants pour y voir et y comprendre les subtilités d’un texte aussi important que dense.
Mon DX dit que je traite tranquillement les informations. C’est pas pour rien que j’aimais autant les séminaires à l’université et faire mes lectures complémentaires, c’était comme ça que j’arrivais à avoir des super bonnes notes et à intégrer des théories et notions dans mon cerveau. Ensuite, quand j’ai fini l’école (dieu sait que j’y suis allée longtemps), j’ai commencé sans me rendre compte de mon nouveau pattern qui est : écouter un documentaire (ou un podcast) et aller chercher des informations complémentaires pour bien comprendre la patente au complet.
J’ai longtemps été fâchée contre ma mère. Longtemps dans le sens de presque trois ans sans lui parler, sans penser à elle sans éprouver de la rage. Je me suis brûlée, d’une certaine manière à être enragée de même. Ça m’a épuisée. J’avais besoin de prendre le temps de comprendre avant de lui laisser à nouveau une place.
C’est pas de ma faute, mon cerveau fonctionne comme ça. Il comprend les informations tranquillement. Je suis habituée d’avoir des bonnes notes, depuis que je suis adulte et que j’ai plus peur des conséquences du processus d’apprendre.
Je sais pas si vous décortiquez votre processus de vie des fois, moi ça m’arrive et ça colle excessivement bien au fait que je traite lentement les informations.
On dirait que j’ai toujours eu de la difficulté à comprendre les étapes pour découvrir qui je suis vraiment, ce que j’aime, ce que je suis, parce que pendant longtemps, je vivais une bataille plus importante.
J’ai de la misère à me placer comme survivante de la violence du quotidien et de dire assez clairement que j’ai vécu dans un milieu violent de la petite enfance à mon départ de la maison pour découvrir la personne que j’étais. J’ai essayé d’effacer des souvenirs à grandes gorgées de bière pendant assez longtemps dans ma vie pour me réveiller un jour et comprendre ce qui s’était passé pour de vrai. J’ai validé mes souvenirs. J’ai dû les accepter et apprendre à me pardonner du fait qu’avant je ne voulais pas me placer comme victime, comme survivante, je voulais juste effacer cette horrible et encore majeure partie de ma vie.
Je m’étais jamais assise pour comprendre pourquoi j’en voulais autant à ma mère de pas nous voir sorties de là.
Je traite les informations lentement comme je dis, ça me prend du temps.
Il faut trouver le temps de comprendre ce que c’est d’être la conjointe d’un homme violent comme ça. Comment une mère se propose souvent en bouclier pour protéger ses enfants. Je sais qu’on était une cible de choix pour lui, mais j’ai jamais pris le temps de regarder comment elle en avait pris des belles pour nous.
Ça fait des années que je sais la possibilité de faire un choc post-traumatique de mon enfance. Ça fait mille ans sinon dix que je remarque que mes réactions face à des petites affaires sont pas comme celles des autres. Ça fait des années que je fais des choix pour me protéger (m’hyperprotéger surtout) pour pas avoir à vivre ne serait-ce que la moindre émotion proche de celle de mon enfance.
Elle avait peur. Elle savait comment il pouvait aller fort pour avoir raison. Il pouvait nous faire mal, lui faire mal à elle de façon tellement décomplexée devant tellement de monde qu’on savait à l’intérieur de nous qu’il était capable du pire.
Je trouve ça beaucoup de devoir me rendre compte de toutes les histoires de violences qui ont marqué mon enfance. De me rendre compte que ma mère a dû nous protéger de la sorte au mieux de ses connaissances et de ses forces. Comment elle a dû vivre dans la peur la plus grande partie de sa vie et comment nous on a dû aller vivre nos affaires de notre côté pour se sortir de tout ça, vivantes.
Des fois je m’en veux du chemin que j’ai pris, parce que ce chemin-là a effacé ma mère de ma vie durant une période où j’apprenais moi aussi à être parent. Les chocs électriques qu’avoir un enfant procure quand tu te rends compte qu’à la seconde où tu l’as dans tes bras, la pire chose qu’il pourrait lui arriver serait d’avoir mal et de souffrir.
J’avais besoin de comprendre par moi-même. Et comme je le dis, mon traitement d’informations est plus lent que la moyenne. Ça me prend du temps, comprendre. Surtout quand je sais que ça va me faire mal. J’ai encore le réflexe de me protéger, c’est normal.
J’en suis là dans mon chemin, le mien, celui qui m’aide à y voir plus clair sur mon enfance violente. Et si je prends le temps de partager mon chemin, c’est que je me dis que des fois, on regarde le film de sa vie, on assiste à notre propre documentaire, et c’est les compléments d’informations qui nous permettent de comprendre vraiment tout ce qui s’est passé dans l’histoire. Parce qu’on édite et on choisit les moments importants pour notre histoire, mais c’est en allant chercher plus loin qu’on peut finalement comprendre, vite ou pas, que c’est toujours plus complexe qu’on le pense.