C’est officiel, nous sommes sur les derniers jours du primaire. Dans moins de deux mois, ma fille aura terminé cette étape importante, et dans moins de quatre, elle sera à la « grande école ». Ce serait mentir que de dire que je ne suis pas terrifiée, probablement plus qu’elle ne l’est elle-même!
Il me semble qu’il n’y a pas si longtemps, je tenais à mes proches le même discours, en leur parlant de mes craintes de la voir entrer à l’école. Et hop! La voilà déjà qui prépare ses examens ministériels de la fin du primaire. S’en suivra le bal de graduation, le dernier camp de jour et la voilà prête à franchir une autre étape de sa vie. Le secondaire, avec tout ce que ça implique d’excitant et d’angoissant. La liberté et les responsabilités. La planification, lentement mais sûrement, de son avenir.
La fin de semaine dernière, il y avait les portes ouvertes à l’école où elle est inscrite. Après un bref exil dans la capitale provinciale, j’ai fondé ma famille dans la région qui m’a vue grandir. Alors ma fille fréquentera la même école où j’ai fait toutes mes études secondaires. C’est vraiment drôle! Ma première constatation : le flot de souvenirs qui m’a assailli durant tout l’après-midi. Parce qu’il faut dire qu’en 19 ans, l’école a très peu changé. Un peu de peinture, de nouveaux casiers, de nouvelles décorations murales. Mais la salle d’informatique est toujours la même, avec sa disposition d’ordinateurs en U le long des murs. Idem pour les labos de sciences. La cafétéria m’a paru aussi vaste que dans mes souvenirs, les échos de centaines de conversations en moins. Et le local d’art dramatique, mon refuge de bonheur dans ces années tourmentées, semble immuable avec sa scène à la peinture écaillée et ses cubes noirs qui créaient une multitude de décors.
Quand je repense aux cinq années qui ont composé mon secondaire, j’avoue que j’en ai un assez sombre souvenir. J’ai vécu quelques drames d’ado classiques, peines de cœur dues à l’amour ou à l’amitié. J’ai également vécu des choses qu’une adolescente ne devrait jamais avoir à vivre, le deuil d’un de ses parents et la détresse de l’autre. Je me suis sentie très seule et incomprise durant cette période.
Mais dimanche, en retrouvant mon casier et en redécouvrant les lieux que j’avais fréquentés, les souvenirs qui me revenaient n’étaient pas aussi douloureux que ma mémoire me le laisse parfois croire. Comme quoi l’eau à coulé sous les ponts depuis. Je me souviens de certains bons coups en classe qui me valaient des notes de « bollée » dont j’étais si fière. Je me souviens des petites lettres pliées et échangées quotidiennement avec mes amis, parce que les textos n’existaient pas encore mais le besoin de se confier est là depuis des millénaires. De mes premiers kicks. De quelques enseignants qui savaient comment allumer mon intérêt. Des productions théâtrales qu’on montait avec le plus grand sérieux.
Au final, j’ai eu une adolescence heureuse, parsemée de drames certes, mais je m’en suis bien tirée. Je crois qu’une de mes craintes de voir ma fille faire son entrée au secondaire, c’est la perception négative que j’en avais conservée. Mais, un de mes défis en tant que parent, c’est de réaliser que mon enfant a sa propre vie à vivre, qu’elle n’est pas moi et que je ne suis pas elle. Et, elle semblait heureuse et rassurée de voir que je pouvais autant l’épauler par mon expérience. Elle était contente de voir que ma photo de graduation, toge et chapeau compris, figure toujours au tableau des finissants du millénaire!