À go: tapez « famille » sur Google et comptez le nombre d’adolescents inclus dans les portraits de famille.
Ce que je constate dans les divers milieux et médias où l’on traite de la famille, c’est qu’on évacue coup sur coup la présence des adolescents de l’équation familiale. Il y a des exceptions, mais faire le tour des divers blogues et sites gouvernementaux convaincra n’importe qui. On y représente largement que la famille est constituée d’une mère, d’un père et de leur enfant âgé de moins de six ans. Souvent, les photos de famille vont même prioriser un animal de compagnie à la présence d’un teenager. Sur le site de Famille Québec, si on veut trouver une photo d’adolescent, il faut cliquer sur l’onglet INTIMIDATION.
Je travaille dans le milieu communautaire, au service des ados, depuis dix ans. Il m’apparaît évident que peu d’efforts sont mis de l’avant pour préparer les familles à ce qui arrivera après les années de la petite enfance. Rappelons-nous qu’ils seront adolescents pendant six ans! Sommes-nous tant habitués de parler de l’adolescence comme d’une période de crise que nous jetons la serviette en partant?
Je le vois dans ma job : les ados, ça paraît mal pour trouver des subventions. Ils brusquent et dégoûtent les adultes. En tant qu’intervenants jeunesse, on nous demande souvent comment on fait, s’il est difficile d’interagir avec des individus aussi égoïstes, si nous sommes témoins de violences souvent ou si nous avons besoin d’aide psychologique pour décanter. On deal souvent avec ces clichés : ce sont des mutants, ils sont ingrats, insolents. Ils sont boutoneux et tête en l’air!
Non, ce n’est pas toujours facile de les côtoyer. Mais il faut comprendre qu’ils ont souvent en commun cet étrange sentiment de solitude, d’ostracisation. Ça doit fesser, en même temps, de ne plus être la bénédiction passagère de toute une famille. De sentir ainsi que l’on n’est plus considéré à part entière dans le portrait de famille, et ce, pendant le tiers de sa vie qui précède l’âge adulte.
Je sais que YO, J’EXAGÈRE, que dans nos expériences individuelles et spécifiques nous pouvons parler de ce qui fonctionne, de nos victoires, de nos modèles qui eux, se portent bien. Mais interrogeons-nous, plutôt, à savoir ce qui rebute tant notre communauté, à l’échelle sociale, lorsqu’il est question des adolescents.
Ils sont beaux, nos portraits de famille couleur pastel, les t-shirts de Star Wars ironiques offerts aux bébés, les stories Instagram de trash the cake et la première rentrée scolaire immortalisée dans nos poches de jeans. Mais toutes les fêtes éclatantes, tous les efforts et toutes les mains serrés autour d’un bonheur qui fuit, tous ces éclairs deviendront inévitablement des statuettes sur une commode. Ce seront des souvenirs qui accompagneront notre solitude, si nous ne veillons pas à maintenir notre lien avec notre enfant. Dès l’adolescence, nos enfants ne sont plus les bibelots que nous nous sommes offerts en cadeaux. Ils sont d’autres choses, une rencontre imprévue avec de jeunes adultes.
Je resterai là pour nos kids. Leurs essences, leurs esprits que j’apprends à connaître et qui me gonflent la gorge, ce seront les mêmes, avec des jambes plus longues. Je ne laisserai pas la nostalgie et l’image d’une jeune famille parfaite tromper mon regard. Ils resteront nos enfants, toujours ces impossibles naissances, ces bonheurs rebelles.