Quand nous sommes tout-petits, nous envisageons la vie sous l’angle du merveilleux; tout est source de découvertes, de plaisir, d’apprentissages fabuleux qui nous aident à mieux comprendre le monde qui nous entoure. Puis en vieillissant, cette capacité de s’émerveiller s’essouffle un peu; le jugement des autres, la critique, le cynisme la malmenant, on finit par la tasser dans un coin, devenant tranquillement des adultes raisonnables.
Écrit comme ça, c’est triste non? Pourtant, s’il y a un paratonnerre efficace pour nous protéger de la morosité ambiante, c’est bien l’émerveillement! Si on arrive à s’émouvoir du chant des oiseaux de retour après un long hiver, du sourire d’un bambin dont on croise le regard dans une foule, du bout de verre poli trouvé sur la plage, il me semble que la vie pèse moins lourd sur nos épaules, malgré les mauvaises nouvelles, la fatigue, les corvées.
Cette faculté à dénicher le beau, même infiniment petit, à l’apprécier dans toute sa simplicité, il faut la cultiver pour ne pas qu’elle se perde en chemin. Parce que quand on grandit, qu’on ne croit plus à la fée des dents, qu’on délaisse toutous et doudous, qu’on se retient de chanter, de danser pour ne pas attirer les moqueries, l’émerveillement devient vite ringard.
Ce n’est pas si grave, on compense avec autre chose, les niaiseries de l’adolescence, l’insouciance, l’impression d’être invincible. Jusqu’à ce que l’âge adulte nous rattrape, avec son lot d’obligations qui peuvent rapidement devenir un poids lourd à porter. Rajoutez à ça un climat social tendu, des perspectives d’avenir pas très roses, des remises en question propres à la transition adolescence-vie adulte, le beau peine parfois à se faufiler à travers tout ça.
D’où l’importance d’aider nos petits à maintenir et développer cette aptitude précieuse à voir de la beauté partout, à s’émerveiller d’un rien. Une attitude qui sera peut-être en dormance durant l’adolescence, mais qui reviendra au fur et à mesure que l’affirmation de soi prendra le pas sur la conformité au groupe.
Devenir une grande personne donne souvent le vertige et de pouvoir se raccrocher à la phrase d’un livre, à l’image d’un film, aux paroles d’une chanson, à la sensation du vent dans les cheveux, à la fleur qui pousse entre les craques du trottoir, le temps de retomber sur ses pieds, ça peut faire une réelle différence entre se relever et sombrer. Et si la chute est inévitable, d’avoir cette propension à accorder de la valeur aux mille petits détails qui embellissent le quotidien donnera l’espoir nécessaire pour aller chercher de l’aide. J’aime le croire en tous cas.
Nos enfants ont le germe de l’émerveillement bien implanté dans le cœur, aidons-les à le cultiver toute leur vie, ils n’en seront que plus forts.