14 années sont passées. J’ai eu le privilège d’être aux premières loges pour voir évoluer ma blonde. Au fil du temps, elle est devenue une femme, une mère, une éducatrice dans le milieu scolaire. Je l’ai trouvée impressionnante! De mon bord, je me suis regardé dans le miroir en cachette, et mon reflet avait bien changé. Je me suis surpris à prier pour que ma blonde ne s’en rende pas compte. Vieillir de la face m’a rendu insécure. Je me suis demandé s’il était toujours possible qu’elle m’aime, puisque j’avais tant changé.
J’ai eu souvent peur que l’on s’éloigne. Depuis qu’on a des enfants, la meilleure amie avec laquelle j’ai fait toutes les conneries imaginables m’a souvent manquée. Ils me semblent loin, nos fous rires inconscients et nos rêves sans responsabilités. Je repense aussi à nos guerres folles sans réelle gravité. Maudit qu’il y en a eu, du drama. Et puis, il y a nos corps qui changent, nos goûts et l’énergie qui n’est plus la même, à 21h…
Je pense que notre couple a survécu parce qu’en devenant des parents, nous avons placé au-dessus de nous quelque chose de plus grand. Ce n’est pas la même histoire pour tout le monde, mais dans notre cas, en nous sortant de nous-mêmes, nous nous sommes redécouverts. C’est peut-être parce que nous ne sommes plus seuls à tournoyer l’un autour de l’autre. Quelque chose nous lie d’une autre façon. L’amour sort de nos corps. Nos visages s’entremêlent et ils apparaissent sur les faces de nos enfants.
C’est beau d’avoir été là pour observer ma blonde retomber en amour trois fois. J’aurais dû être au courant, mais ça m’a frappé : hein, c’est comme ça qu’elle aime!!
La parentalité m’a fait voir plus loin que mon désir pour elle. J’ai découvert une personne complexe, avec tout un caractère et de la force à l’infini. J’ai été ému aux larmes en voyant toute cette force pendant ses accouchements. J’ai découvert ses travers dans la fatigue des semaines de famille chargées. J’ai appris à attendre qu’elle soit disponible, plutôt qu’à la brusquer parce que j’avais des besoins. Aujourd’hui, j’ai envie d’être à ses côtés parce qu’elle est devenue un modèle. J’apprends à être meilleur, quand je suis près d’elle. Je pense qu’à travers le temps, l’admiration doit évoluer en respect.
J’écoute le clip de la chanson « Love » de Lana Del Rey et je nous vois dans cette voiture qui tournoie à l’infini dans l’espace. Je nous imagine comme cette voiture en orbite lancés tout droit dans le vide. Nous ne sommes plus les jeunes que nous étions au départ. Je me retourne vers cette drôle de femme qui m’accompagne, et je suis un nouvel amoureux. Un amoureux plus patient, plus observateur et disponible. Je ne suis plus là pour les mêmes raisons, et c’est bien correct.
Des fois, l’adolescence réapparaît dans ses yeux. On vire fous, comme de vieux amis qui se sont connus dans la folie des mauvais coups. Elle me rentre son coude avec violence dans la cuisse, et moi je fais semblant qu’elle m’a vraiment fait mal, avant de contre-attaquer en enfonçant mes doigts entre ses côtes. Je connais par coeur ce petit creux, l’unique espace où elle est chatouilleuse.
Aujourd’hui, les grandes tristesses ne nous ont pas brisés. Nous sommes encore là, à construire. On est de grands bâtisseurs. Aimer, c’est facile, ça vient tout seul. Je ne prendrais aucun crédit pour ça. Mais ce que nous avons construit, en sueurs de colères, entre la panique et les brefs moments de joie, j’en suis pas mal fier.
Good job, Jo. Mais enfle-toi pas la tête.