L’incident s’est produit lors d’une visite chez des amis. La température était exécrable, sans soleil, sans chaleur ni lumière. De la neige grise sale, des trottoirs ressemblant à des patinoires, une température me faisant fredonner « Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’hiver! ».
En fait ce n’est pas tout à fait ça que je chantais. En route vers la maison de mes amis, avec ma tribu survoltée, c’était plutôt des airs de Carmen Campagne en repeat que l’on entonnait tous en cœur.
À peine avions-nous franchi la porte d’entrée du domicile de mes amis qu’un raz-de-marée de manteaux de neige était projeté dans l’escalier. Une montagne de bottes laissées en plein milieu de l’entrée s’était formée. Soupir.
Ne voici donc pas mes grandes déjà parties en coup de vent, montant l’escalier en trombe pour aller s’engouffrer dans la chambre de la plus vieille. Moi, toujours dans l’entrée, j’essaie de me découvrir de mes « gréments », feignant l’aisance et l’efficacité. Une fois ceux-ci rangés, saluant au passage mes amis, excusant ma marmaille et rapatriant les restes vestimentaires étendus devant moi, je prends ma première grande inspiration.
Oups! Le plus jeune, lui, a besoin d’aide pour se déshabiller. Mais comme il avait reluqué le camion de pompier non loin de là, il me somme, en créature hurlante et gesticulante, de le sortir de cet one-piece tout à coup trop encombrant pour lui.
Bon! On est arrivés pour vrai. Enfin.
Bref, les enfants s’amusaient et les parents discutaient. Me retrouvant seule l’espace d’un instant avec mon fils dans la salle de jeu, il se passa quelque chose d’étrange. Je me voyais aller : je commençais à ramasser dans le coin cuisine en marmonnant tout bas que les aliments pourraient aller là dans l’armoire et la vaisselle juste en-dessous et … LES NERFS, LA MÈRE. Visiblement, je ne jouais pas avec mon fils, le mode « la-mère-ramasse-ce-qui-traîne » s’est activé par inadvertance. Heureusement, je me suis arrêtée juste à temps pour le retour d’un adulte et d’une conversation civilisée, en français adulte.
Puis l’heure du thé arriva. Juste avant de s’attabler, mon « mode-ramasse » se déclenche à nouveau. Les filles ont laissé traîner sur la table de la cuisine un immense tas de feuilles. Cette fois-ci, mon discours intérieur se fait à voix haute : « Mais voyons! Des feuilles partout!! Mes filles pourraient prendre le temps de les ramasser au moins!! »
Il n’en fallait pas plus pour que mon amie s’esclaffe, y allant d’un rire sonore et enjoué. C’est son rire qui m’a fait revenir dans le monde des adultes. LES NERFS, LA MÈRE. Cette fois-ci, je me le suis dit à voix haute, en riant de bon cœur.
C’est comme si le sentiment de me sentir utile, même lorsque ce n’était pas attendu de moi, prenait le dessus de toute forme logique de lâcher-prise.
Heureusement, il existe une solution. La trouver n’est même pas compliqué. Et de toute manière, qui peut passer à côté d’un conseil royal? Let it go! Let it goooo!
Je l’ai fait ce jour-là. En prenant conscience de l’instant présent. Conscience de la chaleur émanant de l’eau bouillante transperçant lentement les parois de céramique de ma tasse. Conscience du réconfort que cela procure au creux de mes mains. Et que le bordel créé dans une maison par des enfants qui jouent, il n’a jamais tué personne. Et en rire! En chantant du Carmen Campagne entre mamans juste parce qu’on se rend compte que ça joue dans nos voitures présentement.
Et si on prenait du temps pour relaxer… juste un peu plus? Je l’ai appris à mes dépends ce jour-là et rien n’indique que ça n’arrivera pas encore. Je me répète parfois le mantra LES NERFS LA MÈRE pour m’autoréguler. Et ça fonctionne! Instinctivement, j’arrête, je prends une grande respiration et je ris. De moi, surtout, mais c’est un rire qui là pour m’aider à dédramatiser.
Une p’tite tasse de thé? Je fais bouillir de l’eau… et vous, il a l’air de quoi votre mantra?