J’ai encore besoin de raconter mon histoire liée à l’allaitement. Non pas pour faire parler de moi, mais pour sensibiliser les gens. Mais au fond, pourquoi considérer l’allaitement comme un élément primordial après la naissance? Est-ce que c’est la « pression » de la société qui l’impose? Comme si l’allaitement était un enjeu de survie alors que nous sommes dans une société qui offre des ressources alimentaires et contrôlées pour les bébés et surtout qui nous autorise de choisir! Si je nourris mon enfant avec du lait maternisé, il ne va pas mourir demain! Cela dit, j’ai toujours considéré normal d’allaiter ma fille, car pour moi cela paraissait facile… et gratuit! Erreur…
Les jugements que j’ai perçus ont été terribles, mais surtout ce fut un sentiment de culpabilité et d’échec total. L’allaitement reste tabou quand ça se passe mal. On parle beaucoup d’accouchements difficiles ou très graves, mais très peu de l’allaitement et de ses complications.
Je suis maman d’une petite fille de 1 an et demi en excellente santé. Ce qui m’est arrivé trois semaines après sa naissance m’a traumatisée!
Se faire ouvrir le sein après un gigantesque abcès dans une salle des urgences, soigner pour reconstruire le sein tous les jours auprès d’infirmières y compris les fins de semaine et ensuite contracter deux mastites puis un autre abcès (au même sein) restent inimaginable. Dès le premier abcès, on a continué de me pousser à poursuivre l’allaitement avec des discours très durs : « Prends ta fille aux urgences, attends le temps qu’il faut, et continue de l’allaiter au sein gauche » ou encore « profite de ton temps d’attente aux urgences pour tirer ton lait et faire des réserves ». Mon corps a eu très mal.
La prise au sein a été corrigée au troisième jour après la naissance de ma fille grâce à des conseillères en allaitement. Ce qu’on ne m’a pas dit dès le départ, c’est que certains bébés ont un palais creux ce qui rend l’allaitement quasiment impossible. Ce fait a été découvert quand ma fille a eu deux mois (après les complications) et non à la naissance. En parallèle, l’hyperlactation (mon cas) a généré des abcès et mastites toutes les semaines. Ayant le palais creux, ma fille ouvrait les mamelons, ce qui créait des crevasses importantes faisant rentrer toutes les bactéries, peu importe la position que j’utilisais.
Le deuxième abcès a été traité à l’aide d’un drain fixé dans mon sein et relié par une pompe qui aspirait l’infection. Visualisez le contexte…
C’est un chirurgien du département de cancérologie du sein qui m’a traitée. Aucun urgentiste n’a su réagir à mon premier passage aux urgences avec un abcès qui menaçait d’exploser. Il a fallu cinq passages pour qu’on décide d’agir! Du lait gris est sorti en fontaine! Ce même chirurgien a appris avec moi les enjeux liés à l’allaitement. C’est lui-même et le seul qui m’a suppliée d’arrêter de stimuler les canaux lactifères et d’arrêter toute démarche pour le bien de ma santé.
Parfois, il est important de ne pas culpabiliser les mamans et de ne pas les pousser lorsqu’elles souffrent trop avec l’allaitement. Ne pas pouvoir allaiter n’est pas un drame, loin de là. Une maman doit être en super forme pour s’occuper de son bébé.
Mon aventure aura duré trois mois. J’ai encore besoin d’en parler et recueillir des témoignages. J’aurai peut-être un deuxième bébé plus tard, mais je vous avoue qu’avec ce qu’il s’est passé, j’ai horriblement peur!